"Le Rendez-vous" avec Camille Cottin : sexe symbole
Théâtre / L'actrice Camille Cottin revient au théâtre, là où elle a débuté, avec un monologue ardent qui aborde frontalement et non sans trash le poids de l'histoire allemande à travers l'envie de son personnage de se faire greffer un pénis circoncis. Un "Rendez-vous" donné deux soirs au Radiant, à guichet fermé.

Photo : Aloïs Aurelle
Hitler, un pénis circoncis et un vibromasseur sont dans un spectacle, et personne ne tombe à l'eau, bien au contraire. Ce spectacle, au pitch tout sauf bateau, s'appelait initialement « Jewish Cock » ; soit « bite juive », le nom du roman duquel il est tiré. Un potentiel scandale au vu du contexte actuel. « Après le 7 octobre, nous ne voulions pas heurter » a expliqué en interview Camille Cottin, la comédienne qui porte le spectacle. Alors va pour le plus poli, le plus consensuel, le plus bateau Le Rendez-vous, qui correspond factuellement bien à cette histoire de double fictionnel de l'autrice en plein rendez-vous médical chez son gynécologue dans le but de se faire greffer ledit appendice.
Roman marquant de Katharina Volckmer, Allemande installée à Londres, Jewish Cock (2021) s'ouvre par une phrase qui plante d'emblée le décor : « Je sais que le moment n'est sans doute pas le mieux choisi pour évoquer ce sujet, Dr Seligman, mais je viens de me rappeler qu'une nuit j'ai rêvé que j'étais Hitler. » La suite est à l'avenant, l'autrice glissant d'idées en idées, d'anecdotes légères en récits investis, de réflexions féministes en tacles bien sentis... Avec donc, au cœur de son propos, l'immense poids de sa culpabilité face à la Shoah, du fait notamment de son histoire familiale.
La star et l'arty
Quand l'actrice grand public Camille Cottin, nom bankable du cinéma français grâce à son explosion médiatique via la télévision (les séries Connasse et Dix pour cent), découvre ce best-seller, l'évidence lui saute aux yeux : elle doit l'adapter sur scène. Un ami lui recommande de se rapprocher du comédien et metteur en scène Jonathan Capdevielle, marionnettiste de formation (on l'a souvent vu aux côtés de Gisèle Vienne) aujourd'hui grand nom du spectacle vivant exigeant. L'attelage entre la star et l'arty fonctionne.
Jonathan Capdevielle a placé sa comédienne devant un colossal rideau violet, couleur du deuil dans certaines cultures comme du féminisme dans d'autres. Sortant de cette scénographie imposante, Camille Cottin, parfois tomboy, parfois femme fatale, l'habite, fait corps avec, la dompte façon bête vivante... Car jamais le duo ne joue la carte de l'illustration, le cabinet gynécologique n'étant pas matérialisé. Tout juste ce rideau peut-il ressembler au drap d'examen.
Plus que la star qu'est Camille Cottin ou la mise en scène par moments peu lisible dans ce qu'elle veut raconter, c'est le texte à la langue très directe qui est au centre du spectacle, et la réflexion de l'autrice sur le corps assigné à un passé, une religion, un genre... La "bite juive" du titre que le personnage en transition souhaite obtenir participe ainsi d'une volonté de rompre avec un héritage trop lourd. Derrière les provocations affleure alors un être cabossé en quête de réparations, auquel Camille Cottin donne une humanité généreuse.
Le Rendez-Vous
Mardi 4 et mercredi 5 février à 20h30 au Radiant (Caluire-et-Cuire) ; de 20 à 40€