Festival / Précieuse institution lyonnaise depuis près de deux décennies, les Hallucinations Collectives reviennent avec un nouveau cru des plus raffinés ! Le festival conserve sa mission de prescripteur de raretés, tout en s'ouvrant à des auteurs acclamés, sans renier son ADN marginal.
Créé en 2008 par l'association ZoneBis, Hallucinations Collectives fut d'abord baptisé L'Étrange festival Lyon durant ses trois premières éditions avant de trouver son nom définitif et affirmer son indépendance. En dix-sept éditions (au Comœdia depuis ses débuts), le nombre de séances a doublé (14 en 2008 contre 28 en 2025), quand le total de spectateurs a quadruplé (année record en 2024 avec plus de 4 500 spectateurs). La manifestation s'est forgée la réputation de lieu de découverte et de redécouverte d'œuvres rares sur grand écran, ouvertes aux initiés et aux néophytes, en atteste sa croissance continue. Hallucinations Collectives, c'est aussi une atmosphère quasi familiale où semble, une semaine durant, régner l'utopie d'une égalité entre invités, organisateurs, bénévoles et spectateurs, tous réunis autour d'une passion commune. Cette réussite totale n'est manifestement pas du goût de tous. À commencer par l'exécutif régional, puisque le festival a appris (à deux semaines de l'événement) que la subvention qui lui était allouée depuis plus de dix ans ne serait pas renouvelée cette année.
Place des grands hommes
Au lendemain d'une ouverture assurée par Cloud de Kiyoshi Kurosawa, des nouveautés en avant-premières et des rétrospectives thématiques se succéderont au fil des journées. Cette année se distinguera par une évolution notable, la volonté de projeter de nombreuses œuvres réalisées par des cinéastes respectés et institutionnalisés. Ce désir d'éclectisme tord les idées reçues : il ne s'agit pas seulement d'un rendez-vous pour amoureux du genre flirtant avec le cinéma bis ou l'exploitation. Entendons-nous bien toutefois, les films projetés ne figurent pas parmi les plus connus ou les plus consensuels de leurs auteurs respectifs. Ils ont même tendance à s'inscrire à la marge de leurs filmographies. Néanmoins le festival entend défendre une certaine idée du septième art qui dépasse les étiquettes hâtives. Arthur Penn (La Poursuite infernale), Sidney Lumet (Les Yeux de Satan), Robert Mulligan (L'Autre) seront ainsi mis à l'honneur. Sans oublier l'un des grands événements, la projection en copie restaurée du cultissime La Forteresse noire de Michael Mann, un mois avant une reprise en salle. La redécouverte de ce long-métrage maudit et difficilement visible est de longue date fantasmée par des générations de cinéphiles. Deuxième réalisation de l'auteur de Heat et sa seule incursion dans le surnaturel, cette fable fantastique sur la propagation du mal en pleine Seconde Guerre mondiale, est une œuvre imparfaite et à part. Elle est parsemée de fulgurances visuelles dont une inoubliable créature maléfique désignée par Enki Bilal.
Attention, les enfants regardent
Le spécialiste du cinéma asiatique Stéphane Du Mesnildot accompagnera un documentaire de Kazuo Hara (à l'honneur l'an passé avec L'Armée de l'empereur s'avance), intitulé Extreme Private Eros : Love Song 1974. Il présentera et dédicacera également en avant-première son nouvel ouvrage Soleil rouge : une histoire du cinéma rebelle japonais, à paraître chez l'éditeur lyonnais Façonnage. Fil central de l'édition, une grande thématique, intitulée "Trois chemins de l'enfance", sera divisée en trois catégories, reflétant les différents visages de l'enfance et ses traitements dans le cinéma de genre. Au programme, deux films directement destinés aux enfants. L'adaptation des 5 000 doigts du docteur T du Docteur Seuss, un cartoon live signé Roy Rowland, et la bizarrerie The Rare blue apes of the cannibal isle, dont la gestation pour le moins originale explique sa folie. Deuxième axe, l'enfant-monde, soumettant le réel, notamment celui des adultes, à son imagination, une approche traversant toute l'histoire du cinéma. Saluons la mise en valeur d'une œuvre méconnue d'un cinéaste encore trop minoré : Paperhouse de Bernard Rose (Candyman). Il signe un drame fantastique onirique, précurseur du Labyrinthe de Pan. La dernière catégorie, "L'Enfant menace", propose l'intrigant The Child, thriller de 1977 depuis tombé dans l'oubli, qui viendra nous rappeler que les chérubins ne nous veulent pas que du bien.
Hallucinations Collectives
Du 15 au 21 avril 2025 au Comœdia(Lyon 7ᵉ) ; prix variables