Peter von Kant , Zahorí ... Les sorties ciné du 6 juillet 2022

À voir

★★★☆☆ Peter von Kant 

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Réalisateur un brin ogre, Peter von Kant tyrannise son homme à tout faire Karl mais se transforme en agneau lorsque son amie Sidonie lui présente son nouveau protégé, le timide Amir. Sous le charme, Peter lui propose de l’aider à percer dans le métier. Peu après, Amir est devenu un amant exigent et infidèle…

Nouvelle adaptation de Fassbinder par Ozon (après Gouttes d’eau sur pierres brûlantes en 2000), cette transposition libre des Larmes amères de Petra von Kant tient autant de la stèle commémorative — le film a été présenté à la Berlinale pile un demi-siècle après son modèle ; Hanna Shygulla figure aux deux génériques — que du décryptage. En faisant du protagoniste un homme de cinéma doté d’une forte ressemblance avec Fassbinder, Ozon suggère une possible inspiration autographique. Et comme à chaque fois qu’il transpose une pièce à l’écran, le cinéaste veille à n’en pas gommer totalement l’origine scénique. Cela passe par l’effet de huis clos (renforçant ici la promiscuité, puis la solitude) et ce léger surjeu des comédiens, en adéquation avec les décors et les costumes flashy, un demi-ton d’exagération au-dessus d’une diction normale (Goutte d’eau…, Potiche ou Huit Femmes recourent également à ce stratagème) qui donnent au film un côté hybride, pour ne pas dire trans-genre.

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Recentré sur la séduction via le cinéma — de la cristallisation du désir à travers l’objectif d’une caméra jusqu’au souvenir dans la projection de l’image sur l’écran — Peter von Kant matérialise vraisemblablement quelques fantasmes du metteur en scène : ajouter Isabelle Adjani à la (déjà longue) liste de ses interprètes de prestige, diriger un sosie de Fassbinder et — à nouveau — l’une de ses muses… Il n’empêche que c’est l’irremplaçable Denis Ménochet qui emporte le morceau par sa volumineuse fragilité : la clef du personnage réside en effet dans le hiatus entre son apparence massive et sa vulnérabilité intérieure.

de François Ozon (Fr., 1h25) avec Denis Ménochet, Isabelle Adjani, Khalil Ben Gharbia…


★★★☆☆ Zahorí 

Au cœur de la steppe de Patagonie, Mora vit une adolescence compliquée entre sa famille (des Tessinois véganes) et l’école où elle est exclue par les enfants du coin. Seul le vieux Nazareno, un gaucho mapuche, lui témoigne de l’amitié. Un jour, Zahorí, le cheval blanc de Nazareno, disparaît. Mora part à sa recherche…

Reposant à part égale sur l’immensité abrupte des paysages, propices à de longs plans contemplatifs, et sur ses personnages tous “mal à leur place“ (Suisses émigrés sur une terre ingrate, mormons en quête de brebis à évangéliser, vieux dévoré par sa nostalgie, cheval rompant son licol pour cavaler dans la plaine, ado aspirant à autre chose etc.), Zahorí dresse par cette mosaïque éclectique de décalés un portrait de cette Patagonie qui n’a pas besoin d’être hostile pour impressionner. Balayé par un vent de cendres, ce territoire sans limite est aussi traversé par un étonnant souffle mystique et la coexistence, parfois en lutte, de plusieurs croyances : comme s’il rapprochait ceux qui l’arpente de leur for intérieur (ou de leur âme).

La réalisatrice évite l’éparpillement en créant un lien de maître à disciple entre Nazareno et Mora, et en instillant de poétiques effets permettant d’épouser littéralement le regard du vieux gaucho (images floues, séquences de rêve). Une part sensible nécessaire que la minéralité du décor ne pouvait offrir.

De Marí Alessandrini (Sui.-Arg.-Chil.-Fr., 1h45) avec Lara Tortosa, Santos Curapil, Cirilo Wesley…

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