La Maison hantée

Le Train Fantôme est un lieu sympa et décalé, honorant une culture multiforme en synergie avec ses murs : résidences, expos, rencontres... Malheureusement, ses jours sont comptés : la compagnie Ici-Même doit plier bagage. Retour sur ses heures sombres comme ses heures fastes, et tentative de compréhension. Laetitia Giry

Article mis à jour en avril 2012 (voir ci-dessous)

Peut-être ne connaissez-vous pas le Train Fantôme. Situé dans le quartier de l’Estacade – cet après Championnet qui accueillait la Bobine jusqu’à son déménagement en 2010, et peut se vanter de proposer le plus vaste marché grenoblois –, le lieu dessine un angle entre la rue Nicolas Chorier et le passage du train. Son nom, il le doit donc à la fois aux passages incessants des locomotives qui font trembler ses murs frêles en envahissant l’espace d’un bruit sourd, qu’à son emplacement : discret mais propice à se faire poste d’observation. Petite maison de 110 m2 aux nombreuses portes-fenêtres agrémentée d’un petit jardinet, le Train fantôme est la planque idéale : à vue, transparente, mais invisible pour qui ne la cherche pas.

Train Fantôme, origines

Au commencement : pas de coup de foudre. La compagnie Ici-Même (compagnie grenobloise qui fêtera ses vingt ans l’année prochaine) est délogée du Brise-glace (comme toutes les autres compagnies occupant ce squat du quartier Bouchayer-Viallet). La Ville de Grenoble lui met ce lieu à disposition contre redevance (loyer, mais d’aucuns sont pointilleux sur le vocabulaire). Hostile la première année (2009) du fait de l’absence de chaudière, donc de chauffage, le lieu se laisse petit à petit apprivoisé, jusqu’à être « adopté » par la compagnie. Au même titre que le 102 (situé non loin), le statut du lieu est hautement précaire. L’idée d’un changement de convention est évoquée de manière non-officielle pour assurer sa pérennité, puis oubliée. Mais qu’importe, les différentes réunions de suivi et d’approbation de projets en compagnie de la Ville apparaissent comme un contrat moral suffisant pour Ici-Même, qui s’investit avec confiance dans des projets au long cours. Des projets originaux : comme la « station » de Tito Gascuel il y a un an, une forme de résidence en marche pendant laquelle l’artiste travaillait sur place en même temps qu’il exposait ses travaux finis, et qu’il se rendait disponible pour discuter avec le visiteur. Ou comme ce projet élaboré avec des danseurs autour du lieu pour une durée de trois ans et commençant normalement ce mois de février !

Train Fantôme, futur proche

L’emménagement d’Ici-Même dans le lieu (qui sert de siège social en même temps que de terrain d’expérimentations et d’accueil) à peine achevé, une décision vient assombrir son florissant avenir. 2011. Mi-décembre. La compagnie apprend que la convention de trois ans n’est pas reconduite et qu’elle doit déguerpir dans les trois mois. De son côté, Eliane Baracetti (adjointe à la culture de la Ville de Grenoble) assure que l’échéance des trois ans était convenue dès l’entrée dans les lieux, et précise que « ce qui reste, ce sont les écrits » (comprendre : la fameuse convention). Aujourd’hui, les membres de la compagnie refusent de condamner qui que ce soit et attendent l’ouverture d’un dialogue après l’envoi d’une lettre en début d’année. On nous dit que le lieu doit être vidé pour être vendu. A qui ? Pourquoi ? Le nouveau projet est-il logique ? Plus que la pérennisation d’un lieu qui fonctionne et ouvre la voie à des pratiques culturelles novatrices ? Plus que d’offrir un pied à terre à une compagnie plus habituée à montrer ses créations hors de la ville, de cette manière à lui assurer un ancrage dans le paysage culturel grenoblois ? Peut-être, mais pas sûr.

 

Encadré: Un week-end au Train Fantôme

Avant d’apprendre la funeste nouvelle de son départ imminent, le Train Fantôme avait projeté d’organiser deux jours de festivités culturelles. Festivités maintenues avec au programme : un retour sur l’expérience Constellations (marche étrange organisée à l’occasion des Rencontres-I) en sons, images et textes le vendredi 10 février à 19h ; des interventions et projections le samedi 11 à partir de 16h, avec en libre distribution le nouveau numéro de la revue fondcommun, « organe de presse problématique » des plus intéressants. Un tout nommé « J’ai [dû faire] une bêtise, j’ai heurté un rocher… » qui nous semble fort représentatif de l’identité mutante du Train Fantôme.

 

Mise à jour d'avril 2012
La compagnie nous a communiqué ceci: "Ouf ! Nous ne sommes pas mis à la porte ! En décembre dernier, la ville nous annonçait son intention de vendre le bâtiment et de ne pas renouveler notre convention (soit trois mois avant la fin de la dite convention). Nous avons finalement rencontré le nouveau directeur des affaires culturelles de la ville de Grenoble. La mairie renouvelle notre convention – soit une convention d'occupation précaire d'un an, renouvelable dans la limite de trois années et révocable chaque année avec un préavis de trois mois – nous sommes bien sûr soulagés de ne plus être dos au mur, mais notre situation reste fragile..." On suivra donc l'évolution du dossier avec soin.


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