Le Père de mes enfants

Pour son deuxième long-métrage, Mia Hansen-Löve rend hommage à la figure tragiquement disparue du producteur Humbert Balsan, en s’intéressant à ce et ceux qui restent après le deuil. Un film simple et bouleversant. Christophe Chabert

L’histoire du Père de mes enfants rejoint, d’une certaine manière, celle de sa fabrication. Mia Hansen-Löve, ancienne critique aux Cahiers du Cinéma et protégée d’Olivier Assayas, décide de passer à la réalisation avec Tout est pardonné. Peu après la fin du tournage, son producteur Humbert Balsan, figure majeure du cinéma d’auteur mondial, se suicide dans son bureau. Pour son deuxième long, Hansen-Löve retrace par la fiction les derniers jours de Balsan, se laissant un maximum de liberté avec la réalité pour accoucher d’un film vraiment émouvant, où le vide laissé par la disparition d’un homme passionné doit être comblé à tous les niveaux : professionnel, intime, familial…

La mort au travail

Le Père de mes enfants commence comme une petite chronique très française : le producteur Grégoire Canvel (Louis-Do de Lencquesaing, formidable de naturel) rejoint sa petite famille dans sa maison de campagne, se fait arrêter par la police parce qu’il roulait trop vite, joue un peu avec ses enfants. Ambiance de félicité domestique que soulignent les rythmes bondissants du Egyptian reggae de Jonathan Richman… Mais les choses vont vite se fissurer : Canvel et sa société font face à des difficultés de trésorerie, les films en cours de tournage (dont celui d’un cinéaste mégalo, dépensier et ingérable) sont au bord du précipice. Hansen-Löve fait alors un portrait inédit du monde du cinéma, du côté de ses cuisines les moins romantiques, où le travail consiste à discuter avec des banquiers pour essayer de boucler des plans de financement et gérer le moral de salariés à l’intérieur d’une petite entreprise bien précaire… À un moment, la passion ne suffit plus, et c’est de là que surgit le drame. Surprise : alors qu’elle évitait par des ellipses trop voyantes les tragédies de Tout est pardonné, la cinéaste n’a cette fois pas peur du mélodrame. Le centre du film est une suite de scènes bouleversantes où chacun doit affronter la douleur d’une mort inattendue, aux conséquences multiples. Dans sa dernière partie, la communauté se ressoude pour faire survivre l’héritage de Canvel par-delà son décès, quand bien même son œuvre soit vouée à disparaître dans ce qu’elle a de plus concret — seuls les films restent. La beauté du Père de mes enfants tient dans cette urgence des vivants à finir un travail qui ne leur appartient pas, éclipsant un instant la violence intime d’un deuil impossible à faire. La famille de Canvel aura ainsi le dernier mot mélancolique (mais vivant) de ce beau film simple à l’élégance discrète.

Le Père de mes enfants
De Mia Hansen-Löve (Fr, 1h50) avec Chiara Caselli, Louis-Do de Lencquesaing…

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