"L'Homme sans passé" : Kafkarismäki
Par Julien Homère
Publié Mardi 28 février 2017 - 1672 lectures
Photo : Pyramide Distribution
L'Homme sans passé
De Aki Kaurismäki
En débarquant à Helsinki, un homme se fait voler et frapper à mort. Lorsqu'il reprend conscience, il a perdu la mémoire. Sans argent et sans identité, il est aidé par les SDF de la ville...
Reprise / Ce film de 2002 du grand réalisateur finlandais Aki Kaurismäki sera projeté mardi 7 mars au Belvédère de Saint-Martin-d’Uriage. Voilà pourquoi il faut le (re)voir :
Si « le niveau de la masse dépend de la conscience de l’individu » comme dirait Kafka, le cinéma du Filandais Aki Kaurismäki épouse parfaitement cette pensée. Comme on s'en est rendu compte en 2002 dans le fascinant Homme sans passé, Grand Prix à Cannes, dans lequel le réalisateur narre l’histoire tragi-comique d’un homme ayant perdu la mémoire à la suite d'une violente agression et qui essaie de se reconstruire avec l’aide des pauvres d’Helsinki.
Ici, Kaurismäki ne cède jamais à l’aspect tentaculaire de la ville-ogre dévorant ses personnages : elle n’est qu’une toile de fond qui évoque une civilisation lointaine et inaccessible où seuls les containers, les troquets et les usines désertes forment l’essentiel des lieux. Onirique dans ses couleurs appuyées et sa dramaturgie fantasque, la réalité se rappelle par la froideur des cadrages fixes. Avec son écrasante composition picturale, les décors rapetissent les protagonistes, les rendant insignifiants face à l’absurdité du système dont ils sont les victimes.
Kaurismäki ne nie pas la cruauté du monde, au contraire : il l’affirme, pour mieux montrer sa défaite face à l’union des peuples. Malgré la pression que le personnage principal subit, autrui ne reflète pas ici le pessimisme social de son modèle kafkaïen. Le film est une parabole lumineuse où seule la collectivité peut faire face aux temps modernes.
Fable utopique, L’Homme sans passé se veut consubstantiel à l’engagement politique du réalisateur – lequel ne s’était pas rendu à la cérémonie des Oscars de 2003 où son œuvre était sélectionnée. Un pied-de-nez à la guerre menée par les États-Unis en Irak, engagée trois jours avant.
L’Homme sans passé
Au Belvédère (Saint-Martin-d’Uriage) mardi 7 mars à 20h30
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