Footnote

Une comédie philosophique — philologique pour être précis — sur fond de rivalité intellectuelle père-fils ; difficile de faire plus singulier que le quatrième film de Joseph Cedar, une originalité qui est à la fois sa qualité et sa limite. Christophe Chabert

De quoi parle Footnote ? La réponse ne va pas de soi, tant il faut démêler à l’intérieur de son scénario ce qui relève du prétexte spectaculaire et ce qui tient de la substance profonde. Par exemple, dans la relation entre Eliezer et Uriel Shkolnik, doit-on prendre en compte le fait qu’ils sont tous deux philologues spécialisés dans l’étude du Talmud, ou peut-on sauter à pieds joints sur cette notion (qui prend toutefois une place considérable dans le film) et y voir une rivalité beaucoup plus universelle entre un père éternellement frustré par son manque de reconnaissance et un fils qui a mis ses pas dans les siens, réussissant tout ce que lui a raté ? C’est le dilemme que pose le nouveau film de Joseph Cedar, dont l’impressionnant et très sombre Beaufort ne laissait pas soupçonner qu’il s’aventurerait vers un sujet aussi casse-gueule, qui plus est traité sur le ton de la comédie sophistiquée.

Philo bazooka

La sophistication de la mise en scène est l’autre problème à régler pour essayer (mais y arrive-t-on vraiment ?) de savoir si l’on a en face de soi un grand film tortueux ou une œuvre qui, à trop vouloir embrasser, finit par mal étreindre. Cedar passe sans transition de l’ascèse la plus totale — l’ouverture, où l’on entend le discours du fils, mais où l’on ne voit que la réaction en gros plan de son père — au baroque le plus échevelé. Le cinéaste multiplie alors les cadres à l’intérieur du cadre pour résumer le passé des personnages, ou réduit ses plans en miettes, les recollant dans un montage bazooka sur une musique symphonique façon Bernard Hermann. C’est impressionnant, mais Cedar ne va jamais jusqu’au bout de ses envolées ; quand il se hasarde à faire monter une tension fondée sur l’étrangeté kafkaïenne de la situation, il bousille la scène par une chute décevante, comme effrayé par ses propres audaces. Qui plus est, ce plaisir de jouer avec la matière cinématographique, louable en ces temps d’austérité esthétique, rajoute de la confusion à un scénario déjà coton à suivre. C’est finalement quand il retrouve un peu de calme que Footnote se montre vraiment passionnant : un long plan-séquence à la Tati où, pris au piège d’un bureau trop étroit, des intellectuels se mettent sur la gueule verbalement jusqu’à faire trembler les parois. Le meilleur moment d’un film généreux mais plutôt bordélique.

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