Écorchées vives

Critique / Yves Bonnefoy, à propos de ses poèmes, parle du déploiement «des forces qui à la fois nous composent et nous déchirent». Expression idoine pour résumer aussi l'organisation des toiles et des dessins de Stéphane Guénier. Les œuvres de l'artiste surgissent devant nous comme autant de champs de forces et de bataille ayant trait à l'existence humaine comme à la forme plastique. Écorchées vives, incandescentes, fulgurantes, elles relèvent d'une physique plus que d'une esthétique, de l'intensification plus que de la représentation ou de la figuration... Bonnefoy parle encore de «transmutation de la représentation en présence». Et les coups (avec ce que ce terme implique de violence faite à la toile ou à la feuille) de pinceaux, de feutre, de crayon ou de stylo à bille de Stéphane Guénier cherchent à fendre la représentation, les signes qui recouvrent la réalité, l'image qui leurre, pour laisser surgir ces forces contradictoires qui composent et déchirent, qui affirment et détruisent. Beaucoup d'artistes contemporains ont conscience de ce jeu de contradictions qui divise et travaille aussi bien le langage que la représentation du monde ou l'existence de chacun. Mais beaucoup tendent vers l'ironie, le cynisme, le simple déploiement des ruines ou des «restes», la «monstration» de l'épuisement des formes. Stéphane Guénier tente, lui, de composer, de créer à partir du fragmentaire, de la mort qui ronge la vie, du vide qui s'ouvre sous la moindre tentative de représentation. Pour reprendre les mots de Barthes à propos de Cy Twombly, il lie «dans un seul état ce qui apparaît et ce qui disparaît» «Séparer l'exaltation de la vie et la peur de la mort, c'est plat ; l'utopie, dont l'art peut être le langage, mais à quoi résiste toute la névrose humaine, c'est de produire un seul affect : ni Eros, ni Thanatos, mais Vie-Mort, d'une seule pensée, d'un seul geste». JEDQuelques points de repères pour situer Stéphane Guénier, son univers, ses voisinages ou ses centres d'intérêt...
Cy Twombly
L'œuvre de l'artiste américain Cy Twombly est la première référence qui vient à l'esprit en regardant les dessins et les toiles de Stéphane Guénier. L'écriture tremblée, les griffures, les biffures, la suspension des formes et du sens se retrouvent chez l'un et l'autre. Tout comme quelques renvois à la culture classique, une certaine dose d'humour, et la recherche de l'événement et de la présence plus que de la représentation, de la narration ou de l'emphase.D'autres contemporains :
Hormis Cy Twombly, l'œuvre de Stéphane Guénier flirte parfois avec l'énergie directe d'un Michel Basquiat, certains dessins de Tapiès ou de Joseph Beuys, ou encore les toiles de Joan Mitchell...Antonin Artaud
S'il admire les derniers dessins d'Artaud à Rodez, ce sont davantage les textes de l'écrivain que Stéphane Guénier admire. Ceux qui visent à «donner des songes de qualité» ou relèvent de la cruauté, comme l'entend la philosophe Evelyne Grossman, cruauté «qui incarne un paradoxal lien vivant, une liaison atroce qui bouleverse l'immobilité des figures et retrouve sous les formes fossilisées qui les pétrifiaient, un formidable appétit de vie».Vladimir Velickovic
Stéphane Guénier a été l'élève du peintre d'origine yougoslave (né en 1935 à Belgrade, installé à Paris depuis 1966) qui affirme montrer ce que «l'homme fait à l'homme». Soit la guerre, la tragédie, la souffrance, la violence atemporelle... Sa peinture d'obédience expressionniste est proche d'un Francis Bacon par exemple.La culture classique
Stéphane Guénier a beaucoup travaillé, à ses débuts, d'après des œuvres d'artistes comme Michel Ange, Léonard de Vinci, Rodin... Il ne cache pas non plus son admiration pour les primitifs flamands, Dürer, les autoportraits de Rembrandt, ou Picasso... Dans d'autres domaines, l'artiste évoque la musique de Bach, les tragédies grecques (Sophocle, Eschylle) ou les textes de Nietzsche...

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