Dans de beaux drapés

Drapé

Musée des Beaux-Arts

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Musée des Beaux-Arts / L'exposition Drapé nous plonge parmi les plis et les drapés innombrables d'artistes de toutes époques. D'une étude de Michel Ange aux photographies de Francesca Woodman, d'un dessin de Dürer aux sculptures de Rodin, de Delacroix à Man Ray ou Gustave Moreau...

Le drapé est un délire, le drapé est une folie. Folie technique sur le plan artistique, folie érotique sur le plan du désir (le drapé cache pour mieux suggérer), folie tout court si l'on suit le psychiatre Gaëtan Gatian de Clérambault (1872-1934). Celui qui s'est suicidé en se tirant une balle dans la bouche devant un miroir (!), qui s'intéressait autant aux images et à l'art qu'à l'automatisme mental, s'est beaucoup penché sur la passion féminine érotique, voire délirante, des étoffes, et des soies qui provoquent l'orgasme. Affecté, pendant la Guerre en 1917 au Maroc, il entreprend un projet encyclopédique fou ayant pour but d'établir une typologie du drapé, couvrant toutes les civilisations de l'Antiquité à l'Orient contemporain ! Mais il ne réalisera concrètement qu'un corpus de photographies sur le haïk et le burnous marocains, dont l'exposition du Musée des Beaux-Arts présente un large extrait dans l'une de ses dernières salles.

Cette folie encyclopédique menaçait aussi les commissaires de l'exposition Drapé à Lyon, Sylvie Ramond et Éric Pagliano, qui ont réduit la voilure d'un « pari fou » et ont choisi « un propos non chronologique axé sur les processus de création, en entremêlant des œuvres de la Renaissance à nos jours. »

En mouvement

C'est ainsi dans l'atelier des artistes, ou presque, que l'exposition nous emmène, parcourant de salle en salle le processus de création (en peinture ou en sculpture) du drapé : l'utilisation préparatoire de mannequins et de figurines en cire, le passage du nu au drapé, l'étude de l'anatomie du drapé en lui-même, le passage du drapé au pli et à l'abstraction... Ce parcours riche en œuvres exposées est ponctué aussi de quelques espaces monographiques consacrés par exemple à la danse de Salomé de Gustave Moreau, aux sculptures de Rodin, à l'Illiade et à l'Odyssée peintes par Ingres, aux Trois femmes à la fontaine de Picasso... On découvre ainsi le drapé sous toutes ses coutures, et même couture après couture, esquisse après esquisse, étude après étude, variations après variations, jusqu'à un certain vertige visuel et sensuel. Pour compléter ou corser le tout, le musée a eu l'excellente idée de s'associer avec la Maison de la Danse, pour projeter un certain nombre de vidéos de danse au sein de l'exposition, avec des pièces chorégraphiques de Anna Halprin, Mourad Merzouki, Eun-Me Ahn, Martha Graham... Le drapé est donc aussi un ouvrage en mouvement, en constants décalages de médiums et d'époques, de formes et de formats. La photographie y a elle aussi une place de choix et s'intègre parfaitement dans des ensembles de dessins ou de peintures d'autres époques.

En commun

L'exposition se clôt sur une œuvre abstraite de Piero Manzoni, Achrome 1958, montrant les plis épais d'une toile blanche. Et l'on comprend alors, tout comme on le pressentait de salle en salle, que le drapé est une thématique idoine pour montrer un intérêt presque atemporel chez les artistes de toutes époques et de toutes obédiences : le choc plastique et quasi abstrait d'un simple jeu d'étoffes sur un corps féminin ou masculin. Comme la ligne dans Le plaisir au dessin (autre exposition montrée au Musée il y a quelques années), le pli dans Drapé constitue une sorte de constante plastique obsédant les artistes : éléments simples qui tout à la fois sont source de création infinie, et aussi d'émotions et de sensations qui traversent les âges et les différences de mentalités. On pourra le vérifier en étant saisi par la beauté et la puissance de ce motif en découvrant aussi bien un pan de draperie de Dürer, une robe légère de Delacroix, un presque fantôme de Georges Grosz, une sculpture désarticulée du Bernin, une miniature photographique de Man Ray, un lit défait de Imogen Cunningham... Ou encore, notre œuvre favorite, un nu en clair obscur comme s'échappant d'un drap, photographié par Francesca Woodman en 1977.

Drapé
Au Musée des Beaux-Arts jusqu'au 8 mars 2020

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