Evil dead

Evil Dead
De Fede Alvarez (ÉU, 1h30) avec Jane Levy, Shiloh Fernandez...

Réalisé par un jeune cinéaste uruguayen plutôt doué, Fede Alvarez, et produit sous l’égide de son créateur Sam Raimi, ce remake est une bonne surprise, très fidèle et en même temps plein de libertés vis-à-vis de son modèle. Christophe Chabert

L’actualisation intensive du catalogue de l’horreur 70-80 continue, avec ses hauts (rares) et ses bas (nombreux). On va bientôt pouvoir faire le compte des films qui n’ont pas eu droit à leur remake, puis établir des classements, du plus infamant (le direct to DVD, ce qui est arrivé à I spit on your grave, il faut dire assez pourrave) au plus malin (on pense à Aja, mais aussi à Rob Zombie et son vrai-faux remake d’Halloween).

Où placer ce remake d’Evil dead, au demeurant très réussi ? Dans une case qui n’appartiendrait qu’à lui — mais qui ne serait pas loin de l’excellent La Dernière maison sur la gauche… En appelant à la réalisation un jeune cinéaste uruguayen, Fede Alvarez, Sam Raimi a eu l’intelligence de lui laisser les coudées franches pour proposer une relecture cohérente de son opera prima, quitte parfois à en prendre l’exact contre-pied.

C’est d’abord cela qui frappe en voyant ce remake : si Alvarez se plaît à refaire quasiment à l’identique les passages les plus marquants de l’original — des travellings épousant le point de vue de la force occulte traversant à toute vitesse la forêt jusqu’à l’image mythique de la main qui s’extrait du sol, sans oublier l’incroyable séquence du "viol végétal", d’une crudité hallucinante pour l’époque mais toujours aussi choquante aujourd’hui — il en affine et complexifie d’autres, allant jusqu’à détourner ses codes les plus datés.

On en citera deux : d’abord, la raison qui pousse cette poignée de jeunes gens bien sous tous rapports à s’isoler comme des demeurés dans une cabane perdue. Dans le Evil dead de Raimi, c’était simplement pour passer le week-end ; plutôt léger et, pour reprendre le titre de la parodie des Nuls, «cousu de fil blanc». Ici, il s’agit d’opérer le sevrage drastique de Mia, junkie depuis la mort de sa mère, sous la surveillance de ses amis et de son frangin. Ce qui est déjà plus crédible et apporte durant la partie d’exposition une légère ambiguïté sur son comportement — délire lié au manque ou véritable possession diabolique ?

Idem lorsqu’Alvarez doit se coltiner l’incunable moment où un personnage se regarde dans le miroir de l’armoire à pharmacie, ouvre la porte, puis la referme et y découvre quelque chose de monstrueux qui auparavant n’y était pas. On ne dira pas comment le cinéaste arrive à renouveler l’exercice et à provoquer un petit frisson de terreur, mais cela montre en tout cas qu’il y a un pilote dans l’avion de la mise en scène, et pas seulement un exécutant s’amusant à refaire les films préférés de sa DVDthèque.

Opéra sanglant

Cela étant, la vraie force du remake tient à l’inflexion donnée au ton général du film. Chez Raimi, Evil dead (et plus encore ses suites) était avant tout un terrain de jeu, jamais très éloigné de l’esprit comic book. Pour Alvarez, le meilleur moyen de se démarquer est au contraire de prendre les choses au premier degré, de ramener un esprit de sérieux qui, au moment de la sortie de l’original, était déjà en train de fondre comme neige au soleil. D’où l’ambiance particulièrement poisseuse et les excès gores et sadiques dans lesquels le remake baigne tout du long, mais plus particulièrement dans son impressionnant dernier acte, véritable opéra de l’horreur finalement assez proche d’un Dario Argento.

C’est qu’il y a une différence entre s’amuser et ricaner, prendre plaisir à avoir peur et se sentir plus intelligent et malin que ce qui se passe sur l’écran. En choisissant de revenir à une représentation de l’horreur essentiellement organique et viscérale, Alvarez met les cyniques à l’amende, proposant une surenchère dans la violence qui n’a rien à voir avec le sadisme des cinéastes français (de Xavier Gens à Alexandre Aja), plutôt avec l’idée d’en faire une véritable orgie graphique où les corps démembrés et les visages striés de rictus aux yeux révulsés deviendraient des œuvres à part entière.

On peut toujours contester l’utilité d’une telle démarche — ou plus globalement, de tout remake ; mais si Fede Alvarez parvient à enchaîner avec des projets vraiment personnels qui confirment son talent, Evil dead sera pour lui comme ses variations autour des chef-d’œuvres du Louvre faites par des étudiants aux Beaux-arts : un joli galop d’essai.

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 12 mars 2013 La rencontre entre Disney et Sam Raimi autour d’une ingénieuse genèse au «Magicien d’Oz» débouche sur un film schizo, où la déclaration d’amour au cinéma du metteur en scène doit cohabiter avec un discours de croisade post-Narnia. Christophe Chabert

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X