Road Music
J'ignore comment ces six-là se sont trouvés (sept, avec la tête de chevreuil empaillée, « partie en campagne électorale »), mais le hasard des rencontres fait décidément bien les choses. Les franco-américains du groupe Moriarty, en concert hier soir au Radiant, ont offert une prestation de grande qualité à un public conquis d'avance.C'est une « invitation au voyage, entre New York et Caluire », que nous proposent Rosemary et ses compères en introduction. Et ils nous embarqueront dans leurs péripéties rocambolesques, d'un « Motel » au Buffaloland du désormais célèbre « Jimmy ». On les suivra, peu farouches, soudain domptés par la proposition musicale audacieuse du groupe phare de cette année 2008.
La mise en scène est élégante, sobre dans l'exubérance, juste dans l'extravagance. Il y a quelques mois encore, Rosemary trônait sur la scène: autour d'elle, cinq musiciens en demi-cercle l'accompagnaient à l'harmonica, à la contrebasse, à la guitare ou aux percus... Aujourd'hui, trois micros dispersés permettent la mobilité, la circulation, le mouvement, l'échange.
Moriarty nous emmène quelque part au fin fond du Texas. Pas celui de l'énergumène qui sert pour quelques jours encore de président aux Etats-Unis, mais le Texas des westerns, des cow-boys et des champs de blés. À moins que ce ne soit une musique importée en France par les soldats de la Libération. Quelque chose de folk, de blues, de country, de musique traditionnelle. Un peu tout ça à la fois. Un son anti-daté qui s'échapperait d'un transistor.
Rosemary est une diva, certes. Mais une diva tout en retrait, un monstre de charisme qui laisse leur place à des musiciens tous plus talentueux les uns que les autres. Il y a le fou de l'harmonica, le bassiste à l'archer, le batteur discret et le contrebassiste qui joue de la machine à écrire (instrument encore trop peu connu). Sans oublier le guitariste swingueur...
Et la surprise: la reprise loufoque de Depeche Mode (Enjoy the Silence)... au xylophone. « Ou de l'importance du silence dans les relations amoureuses », introduira Rosemary...
Seul bémol, un public un peu trop lisse. Un peu trop respectueux, peut-être. Un public de 7 à 77 ans, c'est la rançon du succès: on est moins excité pour un concert à soixante qu'à vingt ans. Mais tout de même, une standing ovation... c'est pas tous les jours. « Encore! »