Cantat: Réponse à Limoncello

Publié Mercredi 10 décembre 2008


Argh, qu'il est dur de parler de manière rationnelle d'un sujet aussi passionnel (et passionant !) que le retour sur scène de Bertrand Cantat ! Mais je voudrais répondre à Limoncello sur ce point, participer au débat, parce qu'il a à mon avis des implications sociales et politiques beaucoup plus larges que la simple affaire Cantat.

Noir Désir renaît de ses cendres. La légende réapparaît elle aussi : un groupe mythique, les seuls et uniques dépositaires d'un rock français digne de ce nom, une révolution musicale pour la sage (et débile) chanson française des années 80. Bertrand Cantat, accompagné de ses incroyables musicos, est d'abord un génie, un poète engagé, un auteur en perpétuelle (r)évolution. Un homme passionné, un citoyen insoumis, un fervent défenseur des valeurs humanistes. En vingt ans, il a réussi à prouver que rock et textes en français pouvaient fonctionner ensemble. Que musique et politique pouvaient trouver un écho, une résonance, ensemble. Mais Cantat a tué. Homicide involontaire. Pis encore, il a tué une actrice. Crime passionnel.

Comment cette histoire aurait-elle pu s'écrire dans un registre autre que celui de la passion ?

Je ne voudrais pas me faire l'avocat du diable. Mais Cantat a payé. Quatre ans de prison, mais pas que. Le regard des autres. Là où « quand un plombier revient de taule, il reprend son boulot ! » (Limoncello), Bertrand Cantat ne reprendra jamais son travail de création et de représentation comme avant. Il fera des enregistrements studio, quelques scènes peut-être, mais quelque chose se sera fêlé à jamais dans le regard des autres. Quelque chose de sournois. Car c'est un fait : aujourd'hui on ira voir « le meurtrier de Marie Trintignant » sur scène. Une injure à sa musique, à son talent. L'absence de reconnaissance de son travail artistique. Voilà ce que Cantat va payer...

N'est-ce pas abject ?

Pourquoi l'erreur humaine, même la pire, doit-elle être considérée comme un échec ? Pourquoi n'existe-t-il aucune deuxième chance ? Pourquoi, dans les faits, le fameux plombier de Limoncello ne retrouve-t-il jamais de boulot ? Pourquoi la société en fait un paria, le symbole d'un échec auquel elle a pourtant participé ? Pourquoi refuse-t-elle au contraire de se remettre en cause, de chercher les raisons du dérapage ? Pourquoi se borne-t-elle à considérer la délinquance comme un acte individuel, alors que rien n'est plus social que la déviance ?

Et encore, je parle de la prison ! Je pourrais devenir prolixe sur la peine de mort...

Sur ce sujet complexe de la relation prison-société, je vous conseille un article du Libé du mardi 09 décembre. Une étude japonaise qui explique l'incroyable présence des plus de 60 ans dans les prisons tokyoïtes. Vous savez pourquoi ? Parce que les vieux se sentent seuls, privés d'une retraite décente, délaissés par un gouvernement libéral et une structure familiale de plus en plus individualiste. Les crimes familiaux ont fait leur entrée sur la scène japonaise depuis une dizaine d'année. Ressentiment, vengeance, solitude : bonjour le cocktail molotov... Pire encore : à leur libération, ils volent, saccagent, pillent tout ce qu'ils trouvent sur leur passage. Pour retourner en prison : « Là au moins, la police s'occupe de nous », racontait une sexagénaire.

Comment en est-on arrivés là ?