Description d'un combat

Publié Mercredi 27 janvier 2010

Samedi 7 février 2009. J’étais au Théâtre de la ville (à Paris), pour assister au spectacle Turba de Maguy Marin (à la MC2 du 9 au 11 février 2010) dont Jean-Emmanuel Denave, journaliste danse au PB Lyon, pense le plus grand bien. Pour ma part, il fut très difficile de me faire un avis tant la représentation de ce samedi fut étrange et déroutante.
Dans l’ensemble, le public du Théâtre de la ville, réputé exigeant et habitué à découvrir des propositions hors normes, n’a pas du tout adhéré à ce fameux Turba.

Je suis donc arrivé le samedi pour la dernière, après une série de quatre dates où les spectateurs montraient leur mécontentement avec fracas (soupirs exagérés, toussotements pas très naturels, voire protestations plus ou moins marmonnées avant de quitter la salle). Maguy Marin, en toute logique, était sous pression. Peut-être trop, car le samedi, elle n’a pas supporté qu’après trente minutes de spectacle chahutées (les protestations se faisant de plus en plus vives, mélangées à des rires nerveux), un spectateur, visiblement plus excédé que la moyenne, décide de s’aventurer sur la scène pour esquisser un mouvement de danse (le spectacle, quasi immobile, ne comporte pas de chorégraphie à proprement parler, ce qui en a déstabilisé plus d’un). Le personnel du théâtre a alors procédé à l’évacuation du fauteur de trouble, épaulé par un des interprètes de Maguy Marin qui est littéralement sorti de scène pour se jeter sur l’homme en question, qui finira au sol. Les lumières se sont alors rallumées, et Maguy Marin, outrée, a demandé l’annulation de la représentation, en dénonçant des conditions impossibles pour poursuivre. Avant de se raviser cinq minutes plus tard, visiblement bien conseillée, en exhortant alors les spectateurs dérangés par sa proposition à sortir pour terminer correctement la représentation. Moment surréaliste qui a convaincu la grande majorité de l’assistance de rester dans la salle, soit pour finir le spectacle, soit tout simplement pour voir comment tout ça allait se terminer…


Finalement, que retenir de cette soirée ? En elle-même, pas grand-chose. On ne peut que regretter la réaction de Maguy Marin, excessive, et surtout celle de son interprète, d’une violence extrême ; même si on arrive humainement à les comprendre. Pourtant, cet incident révèle l’incompréhension manifeste régnant quelques fois entre artistes et public, les premiers présentant au second leurs œuvres sans véritable retour ni échange. C’est ainsi, c’est à prendre ou à laisser, si vous n’aimez pas, prière de garder vos critiques pour vous (on constate aussi au PB que la critique n’est pas toujours appréciée par certains artistes, qui nous le font très bien ressentir avec leurs « quelle est votre légitimité ? » ou « vous n’avez vraiment rien compris »). Pourtant, le public n’est pas passif, bien au contraire, et aussi condamnables soient certaines de ses réactions (il n'est bien évidement pas du tout ici question de défendre la réaction outrancière du spectateur en question), on ne peut reprocher à des êtres humains de manifester des réactions humaines. Il n’y a pas si longtemps encore, les spectateurs venaient au théâtre avec des tomates pourries… Proposer un spectacle, c’est se mettre en danger, et risquer ainsi que son propos ne soit pas reçu ou mal interprété (car je ne suis pas convaincu que le but de Maguy Marin soit de choquer). Est-ce une raison pour tant de violence ? (heureusement que la chorégraphe s’est ravisée après sa demande d’annulation, car sinon la situation aurait été encore plus brutale.)


J’irai donc revoir Turba à la MC2, en espérant pouvoir suivre la représentation dans son intégralité sans assister à une baston devant la scène. Ce sera sûrement le cas, car la MC2, devançant les critiques possibles des amateurs de danse, a classé ce spectacle dans une nouvelle catégorie, sûrement inventée juste pour lui : les indisciplinés. Spectateurs, vous voilà prévenus !

NB : Le titre de ce billet est simplement le nom du dernier spectacle de Maguy Marin, présenté cet été à Avignon. Un titre qui va bien avec ce récit, non ?!