De Niro dans Hi,Mom! Subvertion...
« You talkin' to me ? You talkin' to me? » Allez, me dites pas que vous n'avez jamais joué à ce petit jeu en soirée ou chez vous devant un miroir. On est un peu éméché et on fait le caïd devant les copains.... On est seul en serviette de bain et on tente désespérément d'animer cette chose morte qu'est un dimanche d'hiver : qui ne s'est jamais pris pour le de Niro de Taxi Driver ? Seulement, chose que vous ne saviez probablement pas et qui vous donnera une belle occasion de briller en société en sortant votre science cinéphilique, cette réplique légendaire est antérieure au film de Martin Scorcese. En 1970 sort Hi,Mom! (1), sixième film du jeune de Niro. Il avait alors 23 ans, et en était déjà à son deuxième long-métrage sous la direction de Brian de Palma, pour qui il ré-endossait deux ans après Greetings, le personnage de Jon Rubin. Hi,Mom! arrive à une époque charnière du cinéma US, le Nouvel Hollywood, décennie durant laquelle la révolution culturelle qui s'est déjà emparé des transistors va assaillir les salles obscures, déversant la subversion comme avant elle la Nouvelle Vague française.
Fuck Off de fin
Le scénario, le voici: Jon Rubin est un jeune vétéran du Vietnam qui déborde d'une énergie qu'il ne sait trop comment canaliser. Il pense d'abord la sublimer en s'improvisant photographe. Idée assez pop', il loue un studio miteux depuis lequel il va filmer l'intimité des habitants d'en face... jusqu'à se lier à plusieurs d'entre eux. Il s'embarque ainsi dans un projet de pièce de théâtre expérimentale, performance totale sur la condition noire qui penche clairement du côté des Blacks Panthers et d'un activisme assez explosif. Évidemment de Niro déchire l'écran par sa mythomanie, son rire extatique et son regard d'allumé…comme dans Taxi Driver. Une grande partie de l'intérêt du film repose effectivement sur le regard qu'on peut porter a posteriori sur la préparation d'un personnage par un tout jeune comédien qui rode son numéro comme un héros découvrant ses supers-pouvoirs : ça déborde de partout et comme une chambre d'étudiant, c'est foutrement foutoir. C'est aussi la limite du film, de Palma tâtonnant sur le meilleur moyen de mettre en scène l'énergie autodestructrice d'une partie de la jeunesse US de ces années-là. Mais, puisque son propos est la satire sociale, pourquoi ne pas passer l' éponge sur cette structuration du film un poil... anarchique, et jubiler en écoutant la réplique de fin qui sonne comme un « Fuck Off » provocateur à la face du système.
(1) le film vient de ressortir en DVD chez Carlotta Films