La tentation de la ruine

Publié Mercredi 25 août 2010

Eté 2009 (l'an dernier, pour ceux qui ne suivent pas) : le Musée de Grenoble propose une exposition montée comme un triptyque monographique. Entre ceux de Gregory Forstner, Alex Katz (le « consacré »), et Duncan Wylie, c'est l'univers du dernier qui, bien qu'assez répétitif, m'avait alors ravie par son approche nihiliste de la représentation de la ville. Si j'en parle aujourd'hui c'est que - ô surprise ! - le numéro d'été 2010 du magazine art press lui a fait l'honneur de l'exposer en couverture. Dans l'article, Anne Malherbe nous apprend que l'artiste utilise comme sujet et modèle « des images liées à des événements récents, historico-politiques (Gaza, Ground Zero), naturels (Haïti au lendemain du tremblement de terre, un village après le tsunami) ou bien des vues simplement urbaines » pour peindre les différentes strates composant ses tableaux (voyez : http://www.vertetplume.com/blog/wp-content/uploads/2010/07/Duncan-Wylie-Time-piece-2010.jpg). Dans chaque œuvre, la destruction et la ruine viennent donc hanter un monde moderne friable. Une gamme de tons ocres et bleutés, souvent ponctuée d'un orange-rose fluo par touches acérées, vient souligner une chair factice saignant dans l'indifférence quasi générale. Se crée un nouvel édifice par la transfiguration artistique, qui réinsuffle une vie possible aux ruines. Mais ce renouveau se couple ici paradoxalement à une dérive morbide du sujet : car c'est l'attache affective qui fait le substrat de la reconnaissance de l'œuvre dans le reflet de ces immeubles comme tombés au combat. Le sujet représenté devient trace-ruine, le couple existence et destruction laissant alors place de manière fantomatique à celui d'existence et mort. Dans l'article précité, est avancée l'idée que « L'accumulation des strates temporelles, en entremêlant des épisodes qui peuvent avoir eu lieu avant une reconstruction ou après une destruction, avant ou après un choc, finit par annuler la durée, réduisant le temps à un instant vibrant, à un noyau compact au bord de la fission. » Comme si, ce faisant, c'était la matière qui subitement remplissait l'espace-temps libéré. Duncan Wylie fait ainsi figure d'artiste dont l'obsession du chaos urbain vient graver dans le marbre la tension destructrice inhérente à nos sociétés. Rien que ça.