Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures
Publié Jeudi 2 septembre 2010
Et d'ajouter ma petite pierre à l'édifice des éloges faits à Apichatpong Weerasethakul (bienheureuse Palme d'or). Son Oncle Boonmee est empreint d'une désinvolture onirique magnifiant l'écrin de réalité qui constitue son décor : forêts d'un vert profond, cascade scintillante... Une inquiétude rayonnante, installée mais discrète, s'incarne dans les différentes créatures - spectres et autres singes-fantômes - faisant elles-mêmes irruption avec une fluidité et un naturel désarmants. Le réalisateur nous offre une œuvre contemplative, certes, mais sans jamais se regarder filmer, sans qu'à aucun moment l'ombre de son ego ne plane de manière trop encombrante. Cette absence de prétention est patente dans la scène de la grotte : le ciel étoilé sous-terrain et l'obscurité ne manquent alors pas d'évoquer une sensation intra-utérine, évidence qui n'a plus rien de banal quand elle est exprimée simplement par Boonmee. Nul besoin de justifier ses audaces, le film les assume.
La patience de chaque plan témoigne d'une absolue confiance en l'image, reine de la magie de la photographie manifestement à l'honneur. Et si la chair scénaristique n'est finalement qu'une pérégrination morbide par le sinueux parcours du rêve, elle est irradiée d'une lumière fonctionnant comme essence. Cette dernière devient la matière de l'artiste, comme le sang qui coule dans les veines de l'image. Sa contraire, l'ombre lourde, donne l'illusion d'avoir été dessinée au pinceau tant ses volutes s'impriment avec une précision d'orfèvre sur la rétine.
Chabert le résume très bien : nous sommes là face à un film « rare et fascinant ».