"Et soudain, tout le monde me manque", de Jennifer Devoldere
Encore une comédie “gnan-gnan” avec une happy-end ? Pas du tout. Servi par un très bon jeu d’acteurs, voilà un film qui passe du rire aux larmes avec subtilité. De quoi être touché au coeur…
Pas facile la vie de famille chez les Dhrey ! Le jour de ses 60 ans, Éli annonce à ses deux filles que sa femme et lui attendent un enfant. La première a du mal à accepter la nouvelle, ne parvenant pas elle-même à tomber enceinte ; la seconde accuse le coup : “je ne serai plus jamais la petite dernière…”. Ambiance. “Et soudain, tout le monde me manque” aurait pu être un film français comme on en voit des dizaines avec un bon casting, une histoire au scénario prévisible, deux-trois répliques efficaces, et basta. Aussitôt vu, aussitôt oublié, surtout un samedi après-midi pluvieux au mois de mai ! Sauf que les acteurs sont tous épatants, à commencer par Michel Blanc, parfait en père juif capable des pires maladresses avec son entourage, et surtout Mélanie Laurent en femme-enfant en recherche de repères et de stabilité. Les seconds rôles (Manu Payet, Claude Perron notamment) servent admirablement l’histoire, apportant chacun à leur niveau une humanité singulière. Au-delà de l’intrigue, se pose surtout la question de la relation, forcément délicate, entre un père et sa fille. Difficile de ne pas s’y intéressé quand ce sujet vous concerne directement…
Du rire aux larmes Si la première partie du film se montre parfois inégale (les bonnes scènes de comédie font oublier quelques longueurs), un événement dramatique fait soudain tout basculer. Dès lors, les sourires s’effacent et laissent l’émotion prendre le relais progressivement. Tel un boxeur sur un ring, le spectateur est touché au coeur, baisse la garde avant de craquer, submergé. Tel plan ou réplique réveille en effet des souvenirs douloureux que l’il croyait enfouis bien au fond de lui : une maladie cachée à ses proches de peur de les inquiéter, des mots d’amour sincère que l’on n’ose pas prononcer au bon moment, des cartes postales jamais envoyées pour rappeler aux êtres chers à quel point ils vous manquent, ou encore l’envie de hurler qui vous déchire les entrailles face au chagrin… Autant d’erreurs, d’oublis, de petites lâchetés que l’on croit sans conséquence, mais qui se payent toujours “cash” à la fin. Le temps perdu ne se rattrape jamais… Écrit et réalisé par Jennifer Devoldere, “Et soudain, tout le monde me manque” est un film à voir. Vraiment. Que cela peut faire mal de pleurer à ce point dans une salle de cinéma, mais que cela peut aussi faire un bien fou. On sort de son fauteuil KO debout, les yeux débordant d’émotion. Bref, voilà un grand moment de cinéma, un grand moment de vie tout court. Avant d’écrire ces lignes, j’ai sauté sur mon téléphone pour dire à mes deux filles que je les aimais plus que tout au monde. Et rien que d’y penser, elles me manquent encore plus…
© Bruno Sleepless