LA RUBRIQUE THEATRE DU PETIT BULLETIN
Je reprochais récemment au Petit Bulletin de ne pas avoir de ligne éditoriale claire pour sa rubrique théâtre (on ne s’en prend toujours qu’aux meilleurs !) et comme je ne voudrais pas passer pour « le mec qui critique et qui ne fait rien » je vais donner un exemple concret de ligne éditoriale pour cet art sublime qu’est le théâtre.
Mais tout d’abord pourquoi une telle ligne ?
Il y a un aspect indéniablement politique en elle. On veut valider une certaine culture par rapport à une autre. On veut exercer une influence légitime sur la production artistique. La ligne éditoriale est une ligne de combat. Par son parti pris elle permet au public de « s’orienter », d’être d’accord ou non et ainsi d’être plus conscient bref ce n’est pas une ligne d’endormissement.
Le système actuel de subventions fait qu’il n’y a plus de problème de quantité. Il y en aurait presque trop (de la culture). Le public pourrait être en quelque sorte « hypnotisé » par ce flux constant de propositions artistiques et perdre tout esprit critique. La ligne éditoriale est là pour le réveiller.
Pourtant elle n’est en fait qu’une simple idée.
En voici un exemple pour le théâtre :
Le théâtre n’est pas tout à fait mort (il bouge encore légèrement) et nous pensons qu’il est possible de le sauver. Il a encore une chance de retrouver son statut de forme d’art valide pouvant être utilisée pour dire des trucs sympas.
Les grands théâtres subventionnés jouent à quatre-vingt-dix pour cent du patrimoine. Ils se prennent pour des espèces de grands orchestres philharmoniques ayant pour principe que « plus rien ne s’écrit aujourd’hui en théâtre ». Ce sont eux qui contribuent le plus directement à enterrer le théâtre. Par cette attitude ils découragent les auteurs d’écrire pour eux, ce qui explique après coup la pénurie dont ils se plaignent.
Il n’y a plus d’auteurs de théâtre aujourd’hui (ou très peu) et la nouvelle star est le metteur en scène. On privilégie la forme par rapport au fond. On justifie cela en prétendant que ces vieilles œuvres « sont d’une grande actualité » laissant entendre que « tout a été dit » et contribuant ainsi à l’endormissement général. Mais la vérité est qu’ils découragent tout simplement « les idées nouvelles » de passer par le théâtre.
Le seul espoir réside dans les petits théâtres. Eux-mêmes ne sont pas exempts d’un certain conservatisme toutefois ce sont les seuls à garder la dimension politique et populaire du théâtre.
A partir de ces éléments on peut construire une ligne éditoriale.
Elle inclurait d’examiner avec soin la programmation des petits théâtres (ce qui est beaucoup de travail) et de sélectionner les pièces qui promettent.
Elle inclurait également d’être sans pitié avec les grands théâtres qui ne cessent de nous réchauffer le patrimoine en appelant ça des créations. Il s’agirait vraiment de leur faire la guerre car leur arrogance n’a d’égal que leur manque d’ambition créative.
Elle inclurait aussi de valider les auteurs par rapport aux metteurs en scène. Discuter un peu du fond. Les deux dernières « Une » du PB concernant le théâtre étaient sur Lars Norén et Sarah Kane qui certes sont contemporains mais dont le texte est dénué de fond (la psychose humaine pff !) ce qui explique pourquoi ils sont choisis par les metteurs en scène.
Il peut y avoir des exceptions et il est sans doute possible de faire du neuf avec du vieux. Imaginez « Le Bourgeois Gentilhomme » où la femme de monsieur Jourdain qui est supposée représenter le bon sens et la raison serait habillée en sorcière et parlerait comme telle représentant soudain « le statu quo » de la bourgeoisie (la vraie). Dorante l’aristocrate habillé en clown et parlant comme tel et un Monsieur Jourdain rayonnant, libre et amoureux dont la cérémonie le faisant « Grand Mamamouchi » serait plus belle et plus poétique que la vraie cérémonie d’anoblissement et qui ferait de l’œil à la « belle marquise » qui le lui rendrait bien faisant de Dorante le cocu en chef…
Non le théâtre n’est pas mort !
La force d’une culture ne se mesure pas à la taille de son patrimoine mais à sa force de création effective.
Voilà je ne voulais pas passer pour le mec qui critique mais qui ne fait rien.