exposition ''Yes, we don't'' de l'IAC

Publié Lundi 20 juin 2011

La nouvelle exposition ''Yes, we don't'' de l'Institut d'Art Contemporain (IAC) à Villeurbanne a débuté le 20 mai et rassemble des œuvres d'une dizaine d'artistes de nationalités différentes, des années 1960 à aujourd'hui. Leur rapprochement s'opère autour de l'affirmation négative du ''Yes, we don't'' qui, comme le précisent les commissaires de l'exposition, Joël Benzakin et Nathalie Ergino, directrice de l'IAC, comporte certes un refus (''we don't''), mais est surtout centrée sur le ''yes'', ce ''oui'' équivalent à une ouverture, à des possibilités. C'est à partir de cette assertion que les artistes exposés vont manifester leur subversion, infléchir le déroulement de certaines réalités, modeler des formes réfractaires en réponse à une sorte d'avenir en suspension. Ces attitudes résolument politiques, bien que non-frontales, confondues entre ''absence d'illusion et de destination'' peuvent être résumées par le titre de l'installation ouvrant l'exposition, en salle 1 : Bientôt des ruines pittoresques, en référence à un graffiti post-68, révélant déjà l'impossibilité de modifier l'état du monde après les années beatnik et hippies porteuses d'espoirs. L'ensemble sculptural Bientôt des ruines pittoresque, du duo italo-belge Simona Denicolai & Ivo Provoost, est un enchevêtrement d'informations en continu de CNN diffusées via deux écrans plats, et une table de mixage libérant une compilation de musique d'acid house (la liste de ''la musique qu'on aime'', écrite à la main, comporte aussi du Schubert, du Aphex Twin....). Cette association du privé via des goûts individualisés, et l'impersonnalité de la chaîne d'information globalisée sont liées au niveau sonore par des amplifications : les deux interagissent par une saturation ou distorsion sonore. Une dépendance que l'on retrouve dans leur œuvre Earthworm since 2001, un ver de terre comme métaphore de la création artistique, avalant son contexte, le transformant et le manipulant, à l'extrême opposé d'un positionnement romantique et contemplatif. Le ''we don't'' est en résumé artistiquement réactif et s'établit par l'énoncé d'une négativité. Révolutionnaire ou pas Avec une autre démarche, Carey Young dans sa vidéo I am a Revolutionary datant de 2001 travaille également sur ce mouvement d'absorption, notamment sur l'aspect de marchandisation de la culture et de l'invasion de la sphère commerciale. Dans cette vidéo, on découvre l'artiste dans un costume de manager, dans des bureaux ''globalisés'', en train de répéter un discours, avec l'aide de son ''coach''.... Mais par l'usage de ces techniques néolibérales, sa répétition butte sur cette phrase problématique '' I am a Revolutionary'', au regard de sa réelle signification. Car malgré le rabâchage, il y a comme une illusion perdue : comment adopter une attitude subversive aujourd'hui? Faut-il se positionner à l'intérieur ou à l'extérieur du ''système''? Les artistes présentés ont tous, malgré des formes de résistances différentes selon les générations, une préoccupation accrue pour la distance, le soucis du comment le ''dehors'' du système peut évoluer. Cet entre-deux pour le Français Bernard Bazile peut s'inscrire, selon ses propres mots, dans le ''champ de l'expérience afin de rendre visible, perceptible et raisonnable l'état actuel du malaise et de l'insécurité''. Dans Les Chefs d'état, créé en 1993 avant l'avènement d'Internet, il adopte la ''vigilance'' face aux pouvoirs et aux systèmes de valeurs en descendant de leurs piédestals les Grands de ce monde. Entre dictateurs ou Valéry Giscard d'Estaing saluant son toutou, on est face à leur quotidien, une ''loterie du pouvoir'' pour Joël Benzakin, ou un grand jeu d'images communes et non plus de propagande artificielle. Riche et complexe, l'exposition ''Yes we don't'' aborde donc une résistance proprement moderne. Il ne s'agit pas de celle passive du scribe Bartleby qui, sous la plume d'Herman Melville, ressasse son ''I would prefer not to''. Cela se rapprocherait davantage de celle de Stéphane Hessel, un ''indignez-vous'' résonnant comme le ''It's O.K to say NO'' de Bernard Bazile même si, pour ce dernier, ironiquement, il insinue que peut-être, on l'a oublié. ''Yes we don't'' est visible jusqu'au 14 août et on se doute que l'air révolutionnaire ne s'éteindra pas d'ici-là, surtout en cette année 2011. Fanny Chevillotte