Projet Thinkrotron, géographie des imaginaires

Publié Jeudi 13 septembre 2012

L'artiste lyonnais Laurent Mulot démarre une résidence à Grenoble, dans le quartier Berriat-Presqu'île scientifique, à l'invitation de la Casemate et de l'ESRF Synchrotron.

Nul besoin de parcourir des milliers de kilomètres pour céder à la tentation du dépaysement radical. Quelquefois, pousser la bonne porte suffit. Comme celle d'un laboratoire de recherche scientifique. C'est en tous les cas l'expérience de Laurent Mulot, artiste plasticien. Lorsqu'en 2010, il a franchit le seuil du LHC, au CERN, il ne s'attendait pas à un tel exotisme, un tel dépaysement soudain. Car pour celui qui n'en est pas, le monde scientifique apparaît souvent étrange, empreint de codes et de langages inconnus, aux us et coutumes particuliers. Pourtant ce monde n'est pas loin : le CERN est implanté à la frontière franco-suisse ; à Grenoble, de nombreux centres de recherche sont installés en pleine ville, comme l'ESRF par exemple.

Un des diptyques du projet Augenblick, par Laurent Mulot

Tel un explorateur de l'ici-même, Laurent Mulot s'intéresse à cette articulation entre monde scientifique et monde quotidien. Il en a fait le moteur de ses derniers travaux, comme l'exposition "Augenblick", présentée en 2011 à Fort L'Ecluse (voir vidéo). Pour ce projet, il est allé à la rencontre des habitants et professionnels qui vivent et travaillent au-dessus de l'anneau du collisionneur de particules du CERN, à la surface. Là, il les a écoutés, enregistrés, photographiés, filmés. Puis, dans un mouvement de va-et-vient, il a fait de même avec les scientifiques, suivant un unique fil rouge : la synchronicité. C'est-à-dire la correspondance temporelle entre deux évènements, celui filmé ou photographié avec les « gens de la surface » et celui qui se déroulait exactement au même moment, dans le collisionneur de particules.

Le rendu de cette correspondance prit la forme de diptyques photographiques et vidéos. Mais au-delà de ce dialogue des formes, c'est bien à des rencontres humaines que Laurent Mulot nous invite. Agissant comme un anthropologue, ou comme un reporter, ses dispositifs artistiques visent à nous introduire à l'autre, à ouvrir des portes, à nous engager dans le dialogue des cultures (scientifiques, techniques, professionnelles) et des individus.

Projet Aganta Kairos, par Laurent Mulot

C'est cette même démarche qu'il poursuit actuellement dans un projet baptisé "Aganta Kairos", à propos de l'expérience scientifique Antarès. Cette expérience internationale consiste à observer, à l'aide d'un gigantesque détecteur à particules installé au fond de la mer méditerranée, les interactions entre la croûte terrestre et des neutrinos venus de l'espace profond (1). Ces neutrinos traversent la Terre de part en part ; Laurent Mulot s'intéresse alors à leur point de sortie, et va mener son enquête là où les scientifiques ont calculé les trajectoires. C'est ainsi qu'il s'est retrouvé début 2012 au sud de l'île de Madagascar, pour rencontrer et dialoguer avec les Tanalana, une ethnie d'éleveurs de zébus et de chèvres. Bien sûr, personne sur Terre ne ressent les neutrinos le ou la traverser - c'est pourtant ce qui nous arrive régulièrement - pas plus un Tanalana qu'un Grenoblois. En revanche, dès qu'on commence à parler du ciel, de l'espace, de la lumière, tous les peuples du monde ont des savoirs et des récits à partager...

LIRE LA SUITE SUR ECHOSCIENCES GRENOBLE

>> Notes :

  1. Pour en savoir plus sur la collaboration scientifique internationale ANTARES, voir le site du centre de physique des particules de Marseille 

>> Source : article écrit par Laurent Chicoineau et initialement publié sur Echosciences Grenoble le 11 juin 2012

>> Illustrations : CERN, Laurent Mulot.