Dans la maison de François Ozon

Publié Mercredi 17 octobre 2012

La question que l'on peut se poser après avoir vu le dernier film de François Ozon, regardant ses pompes, la pluie sur le trottoir, quelques réverbères, c'est pourquoi, finalement, mais alors pourquoi, nous sommes justement allés voir le dernier François Ozon.

Pour se mettre quelque chose sous la dent et se faire une petite sortie française ? Un excellent souvenir de « Sous le sable » certainement. Par flemme  sans doute d’aller au Comoedia  ou ailleurs ? Shame on us, only shame.

En matière de distribution en salles, le mois de septembre-octobre est meurtrier.

 Bref. Soit un professeur de lettres en lycée (Luchini) qui fait sa rentrée dans un établissement « upper side » (ben oui François, des lycées dans ce genre n’existent pas ou si peu, hein…) où les uniformes des élèves sont remis à l’ordre du jour, directives du ministère, pour gommer les différences sociales. Certes. Pour appuyer le propos défilent les jeunes lycéens dans leur nouvel appareil, avec, bien appuyée, la différence de couleurs de peaux des individus, ambiance « United colors of » vous savez qui.  Ben oui, François, la France est comme ça, il faut se tenir au courant tu vois, et même incroyable, figure-toi, dans les lycées bourgeois de même.

Luchini, dont la charmante femme (Kristin Scott-Thomas) tient, au hasard, une petite galerie d’art contemporain, dont les œuvres sont forcément incompréhensibles voire ridicules (rires gras dans la salle), est attiré par une rédaction d’un de ses élèves sur le thème : « qu’avez-vous fait ce week-end ?» 

Hilarité générale sur le niveau caricatural des rédactions, mais celle de cet élève, plus par son contenu (il observe la maison d’un camarade et aimerait entrer dedans, faire partie de cette famille « normale »), que par sa forme, retient son attention. Il va peu à peu se prendre d’amitié pour lui, à son corps défendant, suivant pas à pas l’évolution de ses rédactions, et donc l’observation-intrusion de l’élève dans la dite famille « normale ».

Gros plans sur le visage d’ange de l’adolescent, dont peut sourdre à tout moment le coup tordu qui ferait tout basculer dans le drame irréparable, très mode aussi tout ça. Te dire aussi François que la classe moyenne n’a pas forcément des maisons de rêve à l’américaine avec des bombes telles qu'Emmanuelle Seigner, on avait compris que l’on était dans une fable, mais bon, un peu de finesse ne nuit pas. Et pourquoi ne pas faire plutôt du théâtre à la « Huit femmes » que du cinéma, lorsque ta direction d’acteurs les rend si rigides qu’ils en paraissent presque potaches ? 

 Ozon joue donc à l’envi sur des thèmes déjà éculés au cinéma et en littérature (la projection des rêves anciens de l’adulte sur l’adolescent, de  son idéal du moi) et sur les recettes éculées aussi (mais qui plaisent tant au public français) sur ce que devrait être cette littérature et notamment la fiction romanesque : cohérence du récit mais dynamique de l’action, cassures, personnages contrastés, j’en passe et des meilleurs, the best des ateliers d’écriture qui fournissent du Pancol et du Lévy, et protègent efficacement de l’idée bête et méchante du labeur acharné… et de l’infinie solitude de celui qui s’y colle. Pas du tout glamour en réalité. Exit le génie, ou le « talent », tarte à la crème réversible, on vous la sert ou on se la prend !

Tant qu’on y est, on finit notre petite histoire à papa par cet attachement de Luchini pour cet adolescent, image du fils qu’il aurait désiré avoir, évidemment, car en France, évidemment encore, l’idée qu’un couple qui semble s’aimer et n’en ait pas, d’enfant, est carrément inconcevable…  Tout pousse effectivement dans la conjoncture actuelle et passée à faire des mômes  avec acharnement. Las !

Un tel engouement critique pour un film pas désagréable, mais si scolaire en vérité, ça fait rêver !