Villeurbanne : retour sur 3 « nouveaux films »

Le programme estampillé « NF » (Nouvelles Formes, Nouveaux Films) du festival du court de Villeurbanne a tenu toutes ses promesses au début de la semaine.
Avec trois courts métrages ayant pour principal dénominateur commun leur durée (entre 25 et 30 minutes) mais étant très différents dans leur forme, on a découvert l'univers de trois auteurs. On a eu le plaisir de découvrir un poème personnel liant Histoire et histoire intime, un film de genres moderne et sophistiqué et une comédie maîtrisée à l'humour sans limite.
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Commençons par le premier film de ce programme, « Méditerranées », dans lequel Olivier Py sonde le passé colonial de la France en Algérie par le prisme de son passé familial. Entièrement basé sur des films 8 mm tournés par sa famille à l'époque des événements qui ont poussé les Pieds-Noirs à quitter l'Algérie au début des années 60, guidé par une voix off dite par Olivier Py lui-même et qui nous emmène dans ses réflexions personnelles, accompagné par un son fait tantôt de bruits de pellicule, tantôt de musique douce, « Méditerranée » fait partie de ces films magiques où la jonction d'images et de sons hétérogènes nous transporte comme l'un n'aurait pu le faire sans l'autre : une illustration du pouvoir magique du cinéma en somme. On se laisse donc aller à ses réflexions poétiques, passant par quelques moments de grâce, comme la présentation de son arrière-grand-mère « fellinienne ».
Une belle évocation nostalgique, une quête de soi et de son identité, une affirmation de son appartenance à la Méditerranée plus qu'à l'un des territoires entourant cette mer : Olivier Py trouve une bien belle manière de s'approprier le regard de sa famille sur leur vie, à travers l'œil d'une caméra.
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Vint ensuite « Black enchantment » de Jonathan Helpert : on y suit le déroulement d'une soirée filmée en caméra subjective par le personnage principal (et organisateur de la soirée dans la maison de ses parents). Un format scope imposant et une photo moderne léchée, dans des teintes sombres et vaporeuses (voir les scènes autour de la piscine), appuient le côté moderne du choix de se placer dans la peau du héros. On pense à cette vague de films d'horreur ou catastrophes (du « Projet Blair Witch » à « Cloverfield » par exemple). Les images que l'on voit sont celles que filme le héros pendant sa soirée. A certaines occasions, on prend un mètre de recul pour voir le héros de dos, ou pour voir sa caméra changer de main. L'occasion d'un champ-contrechamp inattendu à la fin par exemple.
On regrettera néanmoins un mélange des genres dans lequel le réalisateur ne souhaite pas choisir : on passe du film de soirées avec vannes et moqueries sans retenue, à une ambiance inquiétante utilisant des recettes de film d'horreur, pour finir sur une note presque mystique.
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Le programme se finissait avec « La bifle » de Jean-Baptiste Saurel, qui était annoncé, d'après les échos rapides que nous avions eus des organisateurs du festival, comme « énorme ». Sans mauvais jeu de mot, on peut affirmer qu'ils avaient bien raison.
Le ton du film est donné d'entrée avec le carton d'introduction nous donnant la définition de la bifle : « Mettre une bifle, c'est gifler quelqu'un avec son pénis ». Dans un style de comédie bien grasse, on suit les aventures de Francis, anti-héros patron de vidéoclub, qui va, pour prouver son amour à son employée, aller jusqu'à affronter Ti-Kong dans un combat de bifle digne des grands films de kung-fu. Il faut voir cette scène finale, durant laquelle Ti-Kong manie son arme (son sexe, d'une taille suffisamment imposante pour qu'il puisse cacher son visage derrière) avec la même aisance que Bruce Lee maniait le nunchaku, pour apprécier jusqu'à quel point le réalisateur a poussé son délire, mais aussi son sens de l'image. En effet, la réalisation est particulièrement réussie, et le film suit la plupart des codes du film d'art martial. Il est également porté par d'excellents acteurs, avec une mention particulière à Cyril Gueï qui rassemble les fonctions du meilleur pote et du mentor qui va convaincre Francis de se dépasser pour le combat final.
A noter enfin que ce film s'était déjà fait remarquer sur la croisette : il faisait en effet partie des quelques courts métrages présents dans la sélection de la semaine de la critique. Il est donc heureux que nous ayons pu le découvrir également à Villeurbanne.
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