Le Conte d'hiver, à quoi ça sert ?
Amis lecteurs, une fois n'est pas coutume, ci-dessous un billet d'humeur plutôt qu'une critique à proprement parler.

Quand on dit Shakespeare, on pense généralement Hamlet, Le Roi Lear ou Le Songe d’une nuit d’été, pièces qui demeurent les plus jouées 400 ans après avoir vu le jour. Rien que ça. Donc quand Patrick Pineau monte Le Conte d’hiver, on est à la fois content, du caractère presque inédit de la pièce – celle-ci étant très peu connue du grand public, et mécontent car Shakespeare est assez célébré comme ça sur la planète entière, et peut être même dans les sphères extra-terrestres. A titre de comparaison la précédente mise en scène de Patrick Pineau que l’on a pu voir à la MC2 joignait l’utile à l’agréable en faisant découvrir un auteur quasiment inconnu en France (Nicolaï Erdman) avec un texte fort bien pensé sur l’oppression du régime stalinien (Le suicidé).
Quel est donc l’apport du Conte d’hiver ? S’il y a des spectateurs qui aiment les intrigues à rallonges, nul doute qu’ils trouveront leur bonheur, la mise en scène offrant un rendu tout à fait crédible en terme de spectacle. Quant aux autres amateurs de théâtre (ou pas d’ailleurs), ils s’accommoderont des trois heures que dure la pièce et pourront entre autres se poser la question de savoir si Shakespeare est si immense qu’on le dit ou si son écriture ne serait pas un brin tarabiscotée, et pourrait être un bon support pour atelier d’écriture dont le thème serait : « faisons passer Shakespeare du 5 actes au 3 actes car il nous gonfle un peu le démiurge qui a tout pour lui ».
Théâtre égocentriste
Car passé la plaisir de la (re)découverte et le côté aujourd’hui presque exotique de cette grande tragi-comédie fantastique, on se retrouve tout de même vite face à une troupe dont on se demande si elle ne joue pas plus pour elle que pour le public.
Au vu des investissements financiers considérables qu’exige pareille production (on pense notamment à l’installation vidéo) on peut en effet reprocher au metteur en scène une approche du théâtre égocentriste, faisant passer son propre plaisir bien avant l’intérêt général, qui devrait avant tout être tourné sur la découverte de textes à la fois peu connus et instructifs d’une façon ou d’une autre, Shakespeare n’ayant guère besoin de publicité. La fréquentation régulière de salles obscures permet d’affirmer que ce ne sont pas les œuvres intéressantes qui manquent et qui gagneraient à être connues d’un plus large public. Alors pourquoi tant d’argent pour monter un délire shakespearien si éloigné du monde contemporain?
Texte :William Shakespeare – Traduction : Daniel Loayza - Mise en scène : Patrick Pineau / photo : Philippe Delacroix
D’autres critiques de spectacles vivants (mais pas que…) disponibles sur le blog danslateteduspectateur.fr