Festival du film court de Villeurbanne : nouveaux films, nouveaux lieux

Publié Lundi 25 novembre 2013

Juste après la clôture du festival du film court de Villeurbanne, retour sur une séance hors compétition au programme riche et varié.

Pour la deuxième année consécutive, les sélectionneurs du festival de Villeurbanne nous ont offert la possibilité de voir leurs coups de cœur n’ayant pu être retenus en sélection. Ceux-ci forment le programme « Nouvelles formes, nouveaux films ».

Nouveaux films

Cette année, nous avons eu droit à deux fois plus de films que l’an dernier, et des films, logiquement, plus courts en moyenne. Le programme a ainsi gagné en diversité. Mais, qu’y a-t-on vu exactement ?

D’abord, un exercice de style : filmer des comédiennes en train de passer un casting auquel elles ne sont pas préparées : elles pensent n’avoir qu’à poser, et les responsables du casting leur demandent de parler, sans indication plus précise. Chacune réagit différemment, en y mettant son vécu, en improvisant ou en renâclant, voire en prenant à partie les organisateurs du casting.

Ensuite, viennent deux films de genres. 9 m² relate l’enfermement d’une jeune fille, séquestrée et violée, en prenant le parti-pris d’être au plus près des sensations de l’héroïne, à grands renforts d’effets visuels et sonores, accompagnés de jeux sur la profondeur de champ pour partager l’importance de certains détails de son quotidien.

Bella B. raconte une autre forme d’enfermement : celui, mental, d’une jeune fille persuadée d’être attaquée par de petites araignées. L’action se situe dans une maison isolée du début du siècle dernier, où la jeune fille se heurte à l’incompréhension de sa mère et au carcan des conventions de l’époque.

Le quatrième film est Mademoiselle Kiki et les Montparnos : l’histoire de Kiki de Montparnasse racontée dans un film d’animation protéiforme et vivant, enchainant les différentes périodes de sa vie avec poésie et entrain, grâce notamment à l’utilisation de différentes techniques d’animation. Un régal pour les yeux.

La Balade nous relate celle d’un père et son fils à travers des décors de ruines, parabole de l’état de leur relation. Au fil de leur promenade et de leur discussion, on découvre avec eux les racines de la complexité de leurs rapports.

Enfin, le programme finit en beauté : Les lézards est une comédie où l’on voit l’incontournable Vincent Macaigne attendre une fille rencontrée sur Internet dans un hammam avec un de ses amis. Le film est une réussite, autant pour la justesse des dialogues, que pour une interprétation trouvant le ton juste et la bonne distance, avec une mention spéciale pour la scène où Benoît Forgeard déclame du Belle and Sebastian. Cette scène aurait pu si facilement tomber dans le grotesque ou le caricatural, et elle nous touche autant qu’elle nous amuse. Comme l’ensemble du film.

Nouveaux lieux

Ce qui est frappant en regardant l’ensemble de ces films, c’est qu’ils ont en commun l’importance qu’ils accordent au lieu.

Tout d’abord, trois d’entre eux sont des huis-clos (intégralement ou quasi-intégralement) : une salle de casting pour La voix de Kate Moss, une pièce de 9 m² dans le film éponyme et un hammam pour Les Lézards.

Ensuite, l’évocation de la vie de Kiki renvoie invariablement à des lieux qu’elle a traversés, habités et faits vibrer : Montparnasse évidemment, mais également sa campagne natale ou New York.

Bella B. n’est pas à proprement parler un huis clos, ou alors un huis clos mental, mais l’action ne sort guère de la maison où réside la jeune fille, sa mère et sa gouvernante. Si ce n’est pour une scène de souvenir avec son père. Et la mise en scène, notamment lors de la scène finale, montre bien l’enfermement des personnages dans cette maison et dans leurs habitudes.

Enfin, La Balade est peut-être l’exemple le plus frappant : les décors impressionnent et sont presque les personnages principaux du film. Les travellings initiaux nous introduisent dans ces décors de désolation : la réalisatrice a d’ailleurs expliqué après la séance combien les repérages avaient été importants pour trouver les trois lieux où a été tourné le film. On se promène ensuite avec le père en fauteuil roulant et son fils entre les immeubles troués ou les halls au toit éventré. Il est remarquable de voir que même les plans rapprochés font la part belle au décor : les personnages s’arrêtent un moment et le sol est jonché de débris de tuiles qui rappellent les bâtiments alentours. On voit ainsi clairement que les lieux ne sont pas qu’un simple décor, mais la façon la plus directe dans le film de montrer l’état de la relation entre le père et son fils.

 

Après un programme sur les mouvement(s) avec « Histoire de courts », on a donc vu un programme centré sur les lieux : avoir une telle cohérence pour un programme regroupant des coups de cœur des différents membres du comité de sélection est une belle réussite. Bravo et vivement la cuvée 2014.