«Nous naissons tous fous. Quelques uns le demeurent» Samuel Beckett
Représentée durant trois jours dans le cadre du festival de la Bâtie, la célèbre pièce de Samuel Beckett En attendant Godot, jouée par la Théâtre de l'Incendie avec une mise en scène de Laurent Fréchuret a fait salle comble.

«Voilà l'homme tout entier, s'en prenant à sa chaussure alors que c'est son pied le coupable» L'humanité est le pilier central de la réflexion de cette pièce mythique du XXe siècle, En attendant Godot de Samuel Beckett. Mis en scène par Laurent Fréchuret en compagnie du Théâtre de l'Incendie, cette nouvelle création présentée à l'Estival de la Bâtie marque un retour au source pour le stéphanois. Depuis près de vingt ans, ce dernier explore l'univers de Beckett. Une passion pour le dramaturge qui s'est concrétisée en 2000 pour une première création autour du texte Oh les beaux jours. Quinze ans après, Laurent Fréchuret retourne à ses premières amours avec En attendant Godot.
Le non-sens de l'existence
Portée par quatre acteurs de talent, Jean-Claude Bolle-Redat, David Houri, Vincent Schmitt, Maxime Dambrin et un enfant incarnant l'humanité, la pièce transporte ses spectateurs au coeur de ses propres interrogations. L'homme est sans cesse en train d'attendre, d'espérer, il vit dans la projection parfois en oubliant de vivre son présent. Un espoir absurde en réaction au non-sens de l'existence humaine, à l'inexistence du bonheur. Attendre Godot - qui ne viendra sans doute jamais - leur permet de donner un sens, même absurde à leur vie. Laurent Fréchuret met parfaitement en évidence cette forme d'existentialisme.
Jean-Claude Bolle-Redat est attachant, presque enfantin dans le rôle de Gogo (Estragon) et forme avec David Houri, tout aussi bon dans le rôle de Didi (Vladimir) un couple inséparable. Cette forme de «je t'aime moi non plus» entre les deux hommes fait ressortir le besoin de chacun de ne pas être seul, d'avoir quelqu'un sur qui compter, un soutien. Ces deux compères attendent inlassablement Godot en cherchant la moindre distraction dans ce paysage désertique - représenté par un paillasson de 400 m2 - seulement agrémenté d'un très frêle arbre. Entre ces deux hommes en attentent, un autre duo fait son apparition, Vincent Schmitt et David Houri, y incarne respectivement Pozzo, un maître tyrannique et Lucky, un esclave totalement soumis et animalisé. Ce «couple» très spécial à la limite du sado-masochisme consterne les spectateurs qui se rendent compte au second et dernier acte de l'interdépendance inattendue de ces deux personnes.
Sans dénouement clair, cette pièce d'anti-théâtre se clôt en point de suspension, laissant Didi et Gogo souffrir de l'attente, de l'écoulement du temps dans l'espoir de la venue de celui qu'on pourrait comparer au «messie». Loin de perdre son public, le spectacle de deux bonnes heures captive et tout en laissant une impression comique, fait réfléchir.