Forêt

Publié Jeudi 12 mai 2016

Par Yves Grevet (France). Il aime inventer des histoires qui nous entrainent dans des univers décalés, la science fiction est son territoire de jeu d'écriture. Méto (Syros, 2008-2010), Nox (Syros, 2012-2013), Des Ados parfaits (Syros, 2014).... : des mondes incroyablement originaux, dans lesquels ses héros nous parlent de grandir, de violence, de vivre ensemble, de quête de liberté...

Forêt : vaste terrain planté d'arbres.

Longtemps, j'ai rêvé de forêts.

J'ai grandi dans une banlieue très urbanisée où les seuls espaces verts étaient les cimetières. Les arbres étaient rares, souvent isolés sur un trottoir ou au milieu d'une cour d'école. Vers cinq ou six ans, je représentais les arbres avec des yeux. Je les imaginais comme des êtres paisibles qui tenaient de longues conversations secrètes avec les animaux qu'ils abritaient.

Plus tard, j'ai rêvé de vivre comme un ermite dans une cabane perchée, bercé par le vent et entouré par de vieux arbres à la peau ridée. Je me serais nourri uniquement des ressources de la nature.

Aujourd'hui, enfermé dans mon bureau d'écrivain, je vois la forêt comme une métaphore de mon imaginaire, d'un monde familier et mystérieux à la fois.

Lorsqu'on me demande ce que c'est qu'« Ã©crire un livre Â», j'évoque une promenade en forêt. Quand je démarre une histoire, je me lance donc sur un chemin guidé par une envie aussi imprécise qu'entêtante. J'évite de parcourir un itinéraire déjà connu, plus facile mais vite ennuyeux pour m'engager sur des sentiers mal définis. Là, le risque est grand de se perdre, de rester bloqué ou de se décourager. Pourtant la plupart du temps, je m'en sors. Petit à petit, j'y vois plus clair, je devine une clairière au loin et j'entrevois le moyen d'y accéder. Parfois, la déception est au rendez-vous et me pousse à renoncer. Mais l'expérience n'aura pas été vaine, car j'aurais enrichi ma pratique et j'en garderais quelques souvenirs marquants.

Lorsque je termine enfin la promenade, que je tiens le livre en main, je suis fatigué mais heureux. Prêt à repartir bientôt me perdre au milieu des arbres.