La phase à négocier

La nouvelle est tombée mardi 24 juin : la ville de Grenoble ouvre des négociations avec MixLab sur le projet de Salle de Musiques Actuelles. Et le sort du deuxième au classement établi par la commission de l’appel d’offre, la fédération PMI (Pôle Musical d’Innovation), se joue parallèlement… François Cau

Ils furent donc trois à passer l’oral de la prochaine étape dans l’obtention de la Délégation de Service Public pour la Salle de Musiques Actuelles. MixLab (regroupant Alban Sauce et William Ostorero-Vinci d’Interface, Olivier Dahler de la Maison de la Musique de Meylan, Gabrielle Rossi du festival de Jazz de Grenoble, Frédéric Lapierre du Brise-Glace annecien et Pascal Auclair d’Ovni Production), le PMI (pour Pôle Musical d’Innovation, comptant dans ses rangs Rocktambule, Hadra, Dynamusic, Apha’zik, KNT, le Stud, le Périscope, le Mark XIII et l’agence Delalune) et la société de Seine Maritime Vert Marine (spécialisée dans les sports et loisirs). Au sortir des auditions du 12 juin, le non-local de l’étape, relativement hors sujet, est définitivement écarté.

La commission d’appel d’offre, composée d’élus de toutes tendances et confortée dans son choix par des avis extérieurs (de Jean-François Braun, actuellement directeur de l’école de musique de Fontaine et de Jean-Claude Wallach, consultant dans le domaine des politiques publiques de l’art, auteur du décrié pavé dans la mare La culture, pour qui ?), a établi un classement entre les deux dossiers restants, où MixLab ressort favori, avec notamment à son crédit une complémentarité convaincante avec les équipements existants (la Régie 2C et le CNAC, en particulier), et la mise en avant des transversalités entre arts et nouvelles technologies. «Ce n’est pas un lauréat qui a été choisi mais un ordre entre les candidats, nous n’avons fait que rendre un avis au Maire, qui décide de la négociation qui va se faire. Le Maire a décidé d’entamer des négociations avec le premier candidat, et si elles n’aboutissaient pas, de les reprendre avec le second. Tout en sachant que la souveraineté de la décision définitive appartiendra au Conseil Municipal», déclare Eliane Baracetti, adjointe à la culture. Cette précision n’est pas anodine : du côté du PMI en effet, la décision d’entamer les négociations avec un seul candidat est plutôt mal digérée.

À chaud

Les coups de fil aux différents membres de la fédération d’associations s’enchaînent, les réactions sont forcément amères. Gilles Rousselot, du Stud, met en avant «la frustration que la procédure n’ait pas été menée jusqu’au bout. Je pense qu’en termes techniques, de compétences et d’expériences, les deux dossiers locaux se valaient». Il rajoute que «c’est une décision négative pour le Stud, on avait la possibilité de travailler avec la salle en complémentarité, et on se retrouve avec l’élan brisé d’un partenariat potentiel». Lors de la conférence de presse tenue le lundi suivant, le Stud maintient son engagement auprès du PMI, arguant qu’il eut été beaucoup plus simple pour la structure de ne s’engager sur aucun projet, d’attendre l’installation du délégataire pour entamer un travail commun, que le ralliement au PMI et la défense de ses positions est une affaire de convictions.

Aymeric Ponsart, du Mark XIII, est joint dans la foulée de sa réception de la nouvelle, et le ton s’en ressent. «Je suis démotivé. Quand j’ai vu que des gens s’investissaient dans ce projet, j’ai forcément suivi. Il n’y a pas eu de tensions, on a bien bossé, on a fait un projet global, réaliste vis-à-vis de la scène locale. Ce que j’avais envie d’apporter à cette salle, c’est le fait qu’elle devait se développer entre plusieurs esthétiques, plusieurs personnalités. Elle était vouée à ça à la base, elle ne peut pas se fermer dans un sens précis. Je ne suis pas étonné, j’aurais aimé avoir tort. Ça fait trop longtemps que je gueule contre ce système, là, je pense que je vais me consacrer au bar, m’occuper de ma tambouille». Driss, de l’association Hadra, calme un peu le jeu. «C’est une grosse déception à laquelle on ne s’attendait pas, d’autant qu’on avait formé un collectif qui a réussi à travailler ensemble, et aujourd’hui on a l’impression d’être délaissé au profit d’individualités respectables, mais la question de la cohésion de l’ensemble se pose. De notre côté, on n’a peut-être pas assez montré notre complémentarité au niveau du travail de terrain, peut-être que le volet budgétaire a été perçu comme pas assez bien ficelé… Mais on a déjà fait des choses ensemble sans la salle, et continuera sans». Et sur l’impact négatif qu’a pu avoir la pétition de soutien au PMI, lancée en amont des dépôts de dossiers, Driss précise également que «c’était une façon de tester le public, la ville l’a ressenti comme une force de pression, mais pour nous c’était plutôt un moteur, vis-à-vis de nos adhérents, pour aller de l’avant».

Mises au point

Le lendemain matin, rendez-vous est pris avec Alban Sauce, William Ostorero-Vinci, Olivier Dahler et Gabrielle Rossi de l’association MixLab. On est en terrasse, le soleil a enfin décidé de se pointer, les cafés ont l’air bons, mais ça ne sable pas le champagne non plus. Un silence réservé s’instaure même un court moment, avant que la discussion ne s’engage. «On reste prudents car il reste encore beaucoup de travail. Tant que le contrat n’est pas signé, rien n’est finalisé, la décision finale sera prise fin novembre lors du conseil municipal. On est tout de même assez heureux, on a travaillé comme des fous, on a monté ce projet avec nos tripes, et c’est ça qui a payé aujourd’hui. Ce qui nous a manqué, c’était le temps. On s’y est mis pendant quatre mois et demie pour bâtir un dossier conséquent de 80 pages, qui va dans les grandes lignes mais qui manque de détail, c’est ce qu’il va falloir affiner».


Les premiers du classement ont déjà eu vent des réactions virulentes du PMI, de l’opposition entre milieu associatif et individualités, des craintes d’être définitivement coupé du projet. «Je ne pense pas que la ville aurait délibérément choisi un projet qui aurait écarté le monde associatif. On est une association et pour nous, c’est un moteur fondamental pour impulser de la nouveauté. On bosse tous dans ce tissu associatif depuis des années, on se connaît tous. On va rentrer en contact avec les associations pour présenter le projet, voir ce qu’elles ont à proposer. On n’est pas là pour polémiquer, on a toujours dit que le projet était fédérateur, la porte est grande ouverte. On ne veut pas mettre de l’huile sur le feu, au contraire». La première réunion avec la ville est fixée au 3 juillet, pour commencer à discuter des négociations et poser un calendrier. Si le processus suit son terme, une période de trois ans de préfiguration (jusqu’à l’ouverture de la salle) sera mise en branle, avec des actions de diffusions, des événements hors les murs, de l’information auprès des publics. Restera également à choisir l’équipe de gestion du site, l’idée étant que les fondateurs de MixLab en restent le moteur.

Pressions

Vendredi 27 juin, au siège de Rocktambule, association fer de lance du Pôle Musical d’Innovation. L’ambiance est anxiogène. Histoire d’en rajouter une couche, la requalification du quartier Hoche fait que la Clé de Sol reste le seul bâtiment encore debout au milieu des gravats et des fracas de marteau-piqueurs. Laurent Ageron, président de l’association, fait écho aux autres voix du PMI : la désillusion est de taille, l’impression de ne pas avoir pu défendre le projet jusqu’au bout surnage, la crainte quant aux subsides alloués aux associations culturelles point, la prime colère s’estompe mais pas la volonté de se battre pour sa vision. Les contacts avec la Mairie se sont multipliés sans relâche, dans le but d’obtenir une audience auprès du Maire, une conférence de presse est organisée sur le futur site de la salle le lundi suivant, où les représentants du PMI ayant décidé de réagir (une association s’est entre-temps désistée) réaffirment leurs inquiétudes - au risque, assumé, de se fermer définitivement toute chance de participer au projet, tant la municipalité a de fortes chances de peu goûter cette contestation. Le vrai danger ne réside cependant pas dans cette bataille, mais dans ses répercussions dans les rangs du PMI. Qui est, rappelons-le, le rassemblement, pour le moins inédit localement, d’acteurs culturels disparates, qui ont su mettre leurs nombreuses dissensions de côté, faire leur mea culpa respectif pour bosser ensemble dans la même direction. Aussi, on ne glosera pas sur la légitimité de tel ou tel dossier, on ne renverra pas les arguments de chacun dos à dos, on émettra juste le souhait que cette initiative perdure sur d’autres projets communs.

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