Basic Instinct 2

Mercredi 5 avril 2006

Loin du furieux Paul Verhoeven, le réalisateur écossais Michael Caton-Jones signe un thriller morne. Avec Sharon Stone en Robocop du sexe.

Paul Verhoeven le confiait dans le commentaire audio d'un laserdisc révolu du premier Basic Instinct, Catherine Tramell doit bien tuer le flic Nick Curran après la dernière étreinte. Hors champ, le réalisateur du sous-estimé Showgirls et de Starship Troopers, son must, lève donc l'ambiguïté : la fragile femme fatale interprétée par Sharon Stone incarne le Mal absolu. Dans Basic Instinct 2, l'ambiguïté n'existe plus. La prédatrice, c'est elle, déplacée sur un autre terrain de chasse. L'action transférée de San Francisco à Londres révèle le changement de ton entre les deux Basic. À la braise succède la cendre, sur la forme (la photo contrastée entre les gris-bleus de la nuit et les gris-blancs du jour) comme sur le fond. Le personnage comme l'actrice traversent le film, éteintes. Toujours romancière, Catherine Tramell est à nouveau soupçonnée de meurtre, après s'être jetée à l'eau avec un footballeur qui finit noyé dans la Tamise. Pour l'enquête, un ambitieux psychiatre londonien, le Dr Michael Glass, doit évaluer son profil psychologique. De cette première confrontation naît un face-à-face funeste entre deux obsédés du contrôle, jouant à qui débridera le plus ses "bas instincts". Problème, dès les premiers plans aquatiques, Miss Tramell est figée en mutante dénuée de complexité. Donc, de désir. Une robe différente à chaque scène, Sharon Stone joue avec deux expressions - langoureuse ou machiavélique - une lecture atone du Portrait de Dorian Gray. Hommes et femmes glissent sur elle, elle s'en amuse à peine.Avatar frigideEn 1992, Basic Instinct s'affirmait comme l'emblème d'une vague de néo-polars érotiques. Paul Verhoeven y glissait ses citations décomplexées aux chastes thrillers d'Hitchcock, et déployait, dans son remake hollywoodien d'un précédent long métrage (Le Quatrième Homme), une sauvagerie et un anticonformisme rares pour un film de studio. Autres temps, autres mœurs, Basic Instinct 2 est un avatar froid. Sous couvert d'une plus grande maturité de l'héroïne, le scénario préfère, au défi des sexes, la vaine masturbation des esprits filtrant les ébats. Cinéaste émollient, Michael Caton-Jones évacue alors le premier Basic en quelques gimmicks. Et s'acquitte sans heurt ni génie d'un film de commande, qui a dû lui permettre d'en tourner un plus personnel : Shooting Dogs, tragédie sur le génocide du Rwanda à l'affiche depuis trois semaines.Christophe JacquetBasic Intinct 2de Michael Caton-Jones (ÉU, 1h50), avec Sharon Stone, David Morrissey, Charlotte Rampling...