«Un projet de durée»

Entretien avec Joël Pommerat, metteur en scène de ses pièces ou «seulement auteur de sens et de mots», à l’occasion de la venue de trois de ses spectacles à la MC2 : “Au Monde”, “Les Marchands” et “Cet enfant”. Propos recueillis par Séverine Delrieu

Petit Bulletin : Cet enfant est le fruit de le rencontre entre les comédiens de la compagnie et des femmes de cités normandes. Comment s’est ensuite déroulée l’écriture ?
Joël Pommerat : Pour ne pas trop être dans le fable ou le mythe, je voulais préciser que ce spectacle est une commande de la caisse d’allocations familiales de Normandie associée au CDN de Caen.
La commande qui m’a été faite, était d’écrire un texte sur la parentalité à partir de rencontres avec des gens autour de cette question : “qu’est-ce que c’est que d’être parent ?”. Mon écriture s’est imprégnée de ces discussions autour de cette problématique.
Avec les comédiens et moi-même, nous avons passé deux semaines avec un groupe de volontaires qui était d’accord pour échanger sur cette questions, et avec qui nous avons aussi fait des exercices d’écriture théâtrale. Au final, le groupe ne s’est constitué que de femmes, puisqu’aucun homme ne s’était présenté.
Ce que j’avais précisé dès le départ, c’est que je ne voulais pas faire un spectacle à partir de paroles dites, mais d’écrire des textes à moi. Et j’ai respecté cet engagement.Justement, pourriez-vous revenir sur les relations entre texte et scène dans votre démarche de création ?
Ce que je peux dire, c’est qu’il n’y a pas un spectacle où c’est parfaitement le même rapport. Mais quand j’écris, effectivement, je suis dans une situation particulière par rapport à un metteur en scène classique du théâtre. Je n’écris pas ma pièce en amont de la mise en scène, je fonctionne par allers-retours entre des moments d’écriture solitaire et des moments de confrontation de la parole avec le plateau, avec les comédiens, les éclairages, le son, la scénographie.
Ce qui me caractérise peut-être, c’est que je n’écris pas un texte au préalable. Les états du texte sont très différents selon les moments. Quel est le déclencheur - si tant est qu’il y en ait un - à l’écriture d’un nouveau projet ?
C’est un grand sujet ou problème pour les écrivains en général. Pourquoi choisir un sujet plutôt qu’un autre ? Pourquoi se fixer sur ce sujet plutôt que sur un autre ? C’est vrai qu’il y a plein de sujets potentiels, plein d’envies. Pendant des années, j’ai essayé d’écrire mais je n’y arrivais pas, parce que je ne parvenais pas à choisir. J’attendais que cela s’impose d’une manière forte. Mais du coup, cela ne venait jamais. Aujourd’hui, je ne me pose plus la question de savoir si ça vaut vraiment le coup. Je me lance dans quelque chose d’instinctif, et je fais confiance à cette sensation du point de départ qui s’impose à moi.
Je me dis qu’il faut que j’abandonne tout le reste pour me concentrer là-dessus. C’est un engagement. Cela devient pour moi, comme pour la compagnie, notre seule préoccupation. Si on part sur une histoire qui se passe dans le milieu du tiercé, pendant un an, on se plonge là-dedans.Vous avez fondé votre troupe il y a plus de 10 ans. Aujourd’hui, elle a un répertoire de spectacles qui tournent. Le répertoire s’enrichit chaque année de nouvelles créations. C’est plutôt unique. Est-ce que l’approfondissement des liens, la permanence de la recherche théâtrale, et ce grâce à l’inscription dans le temps, a permis une telle situation ?
On construit sur des bases solides. Et la stabilité et la solidité se constituent avec le temps. Depuis quelques années déjà, il y a un groupe qui est stable, on travaille ensemble, comédiens, administratifs, techniciens. C’est un groupe de personnes qui, je crois, ont du plaisir à travailler ensemble.
Ce groupe est en phase sur un projet, projet que j’ai déterminé depuis son origine : un projet de durée, de travail avec des gens en fidélité, avec des perspectives de vouloir jouer beaucoup, de servir l’aspect compagnie qui présente son travail dans le monde entier, mais aussi qui crée chaque année quelque chose de nouveau.
La création, qui est le temps de la recherche, doit continuer. Je ne voudrais pas que cela ne s’interrompe même si l’on joue beaucoup. Effectivement, cela fait un répertoire parce que l’on joue des pièces depuis 4, 5, 6 ans. Et j’affirme cette notion-là, qu’un spectacle ne doit pas être jeté à la poubelle au bout d’une petite période. Au contraire, il doit continuer à vivre.
Je veux aussi pouvoir continuer à chercher. Je veux tout : jouer beaucoup, être dans la recherche et ne jamais lâcher ces deux aspects.Au Monde. Du 4 au 5 mars, MC2 (Grand Théâtre)
Les Marchands. Du 6 au 8 mars, MC2 (Grand Théâtre).
Cet enfant. Du 11 au 13 mars, MC2 (Salle de Création)

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