365 jours à Clichy Montfermeil

Le documentaire de Ladj Ly, du collectif Kourtrajmé, apporte un regard sciemment bordélique mais salutaire sur les émeutes françaises de 2005. FC

Résident de la Cité des Bosquets, Ladj Ly a toujours eu à cœur d’animer son quartier via ses projets culturels, le plus fameux étant une expo de photos géantes, des portraits d’habitants des Bosquets placardées sur les murs de la Cité, et retirées dans la foulée par la Mairie. En octobre 2005, lorsque le pays s’embrase suite à la mort des jeunes Zied et Bouna, il prend sa caméra et descend dans la rue, filmer les événements. Il suivra la vie de sa cité pendant un an ; des images prises sur le vif, où l’observateur ne peut occasionnellement s’empêcher de sortir de sa neutralité pour intervenir dans des joutes verbales ou physiques, que Ladj Ly montera en ordre chronologique, en bon témoin du désordre social. De fait, contrairement à ce que peut montrer la bande-annonce du film, les scènes de violence urbaine ne représentent qu’une infime partie du documentaire de 25 minutes – si un montage clôt le film par des rixes entre jeunes et forces de l’ordre sur fond de Marseillaise, ce qui pourrait sembler complaisant de prime abord, par sa brusque rupture avec le déroulé des événements et par sa soudaine dramatisation, cela sonne avant tout comme un vibrant constat d’échec politique, considérant tout ce qui précède. Ma cité a craqué
Dans une séquence-clé de son film, Ladj Ly balaie toute ambiguïté en suivant un médiateur des Bosquets en pleine tentative d’apaisement, et surtout en refusant de filmer les jeunes en train de jeter des caillasses de leurs fenêtres, malgré leurs demandes répétées. Le réalisateur se concentre certes sur les forces positives de son quartier, mais ne tourne pas le dos à la confrontation avec les émeutiers en action, ne voile rien de leur émulation destructrice, guidée par une colère pas vraiment raisonnée. Et quand viennent les moments de “dialogue“ avec les politiques, le cynisme on ne peut plus insultant qui se dégage de ces échanges, l’absence de réponse aux questions du réalisateur sur des sujets essentiels comme l’absence de vie de quartier et le désoeuvrement des plus jeunes, sonnent comme autant d’aveux d’impuissance et surtout d’irresponsabilité. Même lorsqu’on craint un détour populiste avec une scène montrant l’initiative pro-vote de Jamel et Joey Starr, la fin cinglante de cette parenthèse enfonce le clou. 365 jours à Clichy Montfermeil est une œuvre chaotique, passionnée, lucide, violente, en quête de sens dans un bordel intimidant ; soit un film en accord total avec son sujet. 365 jours à Clichy Montfermeil
De Ladj Ly (Fr, 0h25) documentaire
Jeudi 16 septembre à 20h30, à la Bifurk

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