Suivant à la trace Laura Poitras, Oscar du documentaire en 2015 pour "Citizenfour", Oliver Stone s'intéresse à son tour au lanceur d'alerte Edward Snowden, et raconte son combat souterrain contre la NSA, en l'accommodant façon film d'espionnage. Didactique, classique, mais efficace.
Affecté aux services de renseignements des États-Unis, un informaticien brillant et patriote découvre avec stupeur que les grosses compagnies liées aux télécommunications collectent et transmettent les données privées de leurs utilisateurs sans leur consentement. Ulcéré, il décide de dénoncer publiquement cet espionnage général infondé. Quitte à renoncer à sa liberté.
Guerres, terrorisme, biopics de stars ou de personnalités politiques... Pareil à nombre de ses confrères, Oliver Stone a signé la majorité de ses films en réaction à des événements ayant dramatiquement marqué l'histoire immédiate et/ou la société américaine. Parallèlement, à chaque fois qu'il s'est octroyé une escapade vers une autre "contrée", il a donné l'impression de tourner un film par défaut, n'ayant pas eu à se mettre devant la caméra de sujet plus conforme à ses attentes – en témoignent le péplum Alexander (2004) et même la suite de Wall Street, L'Argent ne dort jamais (2010).
Contrôles : halte + sup !
Snowden apparaît aujourd'hui comme une résurgence de sa "grande" période, un cyber-décalque contemporain de Né un 4 juillet (1989). Car à l'instar de Ron Kovic qui s'était engagé pour défendre la bannière étoilée, Edward Snwoden (campé par Joseph Gordon-Levitt) se retourne contre ses dirigeants au nom du peuple, estimant qu'ils ont trahi les citoyens et les grands idéaux démocratiques de la Nation. En découle ce techno-thriller rythmé, traversé de questions géopolitiques ; un substrat magnifique pour instiller des séquences de suspense et de paranoïa contagieuse – vous ne regarderez plus votre ordinateur vous observer de la même manière après ce film.
Si du point de vue artistique il y a quelque chose de réconfortant à ce que le cinéma de Stone retrouve ici pertinence et mordant, difficile de ne pas être préoccupé (voire déprimé) par le contexte politique et l'urgence ayant présidé à la conception de Snowden. Son actualité est tellement brûlante qu'elle modèle sa fin : Stone renvoie dos à dos les candidats à la Présidence des États-Unis d'Amérique – le film sort au moment où les électeurs expriment leurs suffrages.
Le cinéaste injecte des extraits de discours montrant que les camps Républicains et Démocrates (exception faite de Bernie Sanders) sont aussi bornés l'un que l'autre quant au sort d'Edward Snowden : toujours considéré comme un "traître", parce qu'il a blessé l'orgueil d'une super-puissance un peu trop imbue d'elle-même, le lanceur d'alerte ne bénéficiera pas pour le moment d'une grâce. Attendons l'investiture...
Snowden
d'Oliver Stone (E.-U., 2h14) avec Joseph Gordon-Levitt, Shailene Woodley, Melissa Leo, Zachary Quinto...