Ça y est : on a vu le Yeti

Portrait / Elle est partout ! The Street Yeti à Villard-de-Lans, à Grenoble, à Voiron, à Seyssins… Impossible d’échapper à cette artiste qui mêle techniques artisanales (reine du tampon patate), imageries populaires rurales et street art, entre autres. Rencontre. 

Svelte et délicate, The Street Yeti est loin de l’image qui vient à l’esprit en voyant ses animaux, ours rupestres et loups aux crocs acérés. « On me renvoie souvent ce décalage. Mon art est plutôt brutal, il dégage une force sauvage… Mais ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’on fait forcément des champs de lavande ! Ce que j’aime dans ce nom de yeti, c’est aussi son côté non-genré. C’est un animal montagnard, avec de grands poils, de grandes dents… Et pour autant, il ne fait pas peur. Venant des arts hors normes, j’ai la conviction qu’il me correspond très bien, avec son mystère, sa part de grotesque, d’enfance, de comique. » Un nom d’artiste qui ne se la pète pas, en somme. Accolé à ce "street", pour l’antagonisme, le volet street art de sa pratique, et parce qu’elle a beau être Chartroussine, elle assume « le principe de réalité : je vis en ville, dans un appart’ ». Svelte et délicate, au premier regard seulement. Claude, patronyme civil du Street Yeti, résume du bout des lèvres son parcours, comme on l’évacue. Partie adolescente de la maison familiale, devenue mère très jeune, la perte du conjoint, parallèlement agrégée d’histoire. Sobriété dans le commentaire : « J’ai une grande force de travail. » On ne poussera pas plus loin : « J’aime mieux qu’on parle du Street Yeti… Qui il y a derrière, peu importe. »

« Je n'ai pas la street cred' »

Derrière ce nom émergé en 2020, vingt ans de travail artistique et d’expositions. « Je faisais moins de street art, avant. Je n'ai pas la street cred' qui va avec, mais je l'utilise pour amener dans mon univers visuel. » Sa spécialité, c’était – c’est – le tampon patate. Une pratique décomplexante à souhait. « On n’a pas l’angoisse de la patate blanche… C’est un geste artistique qui vient de l’enfance. On dit tampon patate, et pas tampon pomme de terre : tout de suite, ça fait rire. Longtemps, on m’a appelée Madame Patate. » On ne saurait, malgré la qualité de ce surnom, résumer The Street Yeti au tampon-patate. Linogravure, pochoir, cyanotype, risographie… Elle s’essaie à tout. « Ce que j’aime, c’est la surprise, le moment de révélation de l’œuvre. Dans toutes ces techniques, tu ne sais jamais à l’avance ce que ça va donner. Je recherche cette non-maîtrise, c’est comme si mes œuvres me traversaient. Quand tu arrives à un résultat qui est beau, surtout quand tu ne l’as pas complètement maîtrisé, c’est magique. »

Des techniques diverses pour une inspiration bien marquée. Née d’une révélation (encore), enfant, dans la salle de l’Alpe du musée Dauphinois. « Je suis attachée aux arts et aux traditions populaires de l’arc alpin. J’aime leur côté primitif, dans le sens noble du terme. Ce sont des arts non élitistes, l’expression d’une culture populaire, qui est respectueuse de l’environnement. Dans la culture populaire des sociétés rurales, il y a un dialogue, une communication, une intelligence entre l’homme et la nature. » Traduction au Grand Angle de Voiron, où l’exposition Animaux qui hurlent dans des forêts en feu, en forte résonance avec les incendies de cet été, vient de se terminer – la fresque devrait partir habiller la caserne des pompiers. À Villard-de-Lans, The Street Yeti expose jusqu’au 5 mars sur l’ours et ses imageries. Au Trankilou, elle montre jusqu’au 6 mars son travail sur les esprits, qui animent autant les anciens des Alpes que les Papous guinéens. Au centre culturel Montrigaud, à Seyssins, elle expose jusqu’au 17 mars son bestiaire. Et on est très curieux de voir, prochainement à la galerie Place à l’Art de Voiron, une exposition que l’on devine très personnelle, intitulée Goldorak n’a jamais lutté contre les violences intrafamiliales. Ou « l’enfance du Yeti de 0 à 18 ans. 2023 sera l’année des titres longs ! »

Bestiaire jusqu’au 17 mars au centre culturel Montrigaud (Seyssins), entrée libre

à lire aussi

derniers articles publiés sur le Petit Bulletin dans la rubrique Expos...

Vendredi 22 avril 2022 Il y a deux ans, on avait découvert le travail de Marion Massip et on avait été plutôt emballés par la poésie qui émane de ses photos du trois fois rien. En effet, (...)
Vendredi 22 avril 2022 Avec l’exposition "Fait main, quand Grenoble gantait le monde" le musée Dauphinois revient sur une aventure locale de prestige international, celle de la ganterie grenobloise. Un parcours remarquable, riche de nombreuses pièces de collection et...
Lundi 28 mars 2022 Formée au Beaux-arts de Kyoto, Martine Rey s’est fait une spécialité de la laque, qu’elle décline de maintes manières ; Pierre Gallais, quant à lui, nourrit (...)
Lundi 28 mars 2022 Ce n’est pas tous les jours que la collection permanente du musée de Grenoble s’enrichit d’une œuvre nouvelle. En l’occurrence, un tableau du XVIIe siècle, signé du trop méconnu Reynaud Levieux, qui a bénéficié pour l’occasion d’un travail...
Mardi 15 mars 2022 Au fusain et à la pierre noire, Séverine Martinez dessine l’enfance. Un style classique et une technique impressionnante, à voir à la 1-10 Galerie, rue Marx-Dormoy à Grenoble.
Vendredi 11 mars 2022 Avec sa série "Gudi Dakar", Mabeye Deme propose une fascinante exploration photographique de la vie nocturne dans les boutiques dakaroises. Un travail remarquable à découvrir à la galerie Ex-Nihilo.
Mardi 15 février 2022 Les amateurs de surréalisme doux pourront éventuellement être séduits par les peintures de Tof Vanmarque exposées à la galerie Hébert. Peuplées de personnages étranges (...)
Mardi 15 février 2022 Autodidacte grenoblois, Nuvish n'a jamais eu jusque-là, dans la cuvette, d'exposition qui lui soit intégralement consacrée. La galerie Alter Art (qui a pour (...)
Mardi 15 février 2022 D’une grande cohérence et formellement très séduisante, la série photographique que Jean-Pierre Saez expose à la galerie Ex Nihilo est le fruit d’une approche conceptuelle qui ne renie pas le plaisir du regard.
Lundi 31 janvier 2022 Intitulée Stencil, une scène engagée, la nouvelle exposition de l’espace Spacejunk réunit des artistes qui ont pour point commun de balancer quelques (...)
Lundi 31 janvier 2022 Avec Yellow Collection, l’espace Vallès ne nous trompe pas sur la marchandise : l’artiste Roland Orépük y expose une série de tableaux dont la géométrie minimale est intégralement construite à partir d’aplats jaunes.
Mardi 18 janvier 2022 Voilà une exposition passionnante pour quiconque s’intéresse un tant soit peu à l’histoire de sa ville et à son urbanisme (tout le monde non ?). Prétextant (...)
Mardi 18 janvier 2022 Tandis que les stations de ski se remplissent (plus ou moins) de touristes, la galerie Alter-Art nous invite à aller voir ce qui se passe en hiver du côté (...)
Mardi 4 janvier 2022 Habitué à coller ses œuvres dans les rues, l’artiste Cobie Cobz expose ses affiches aux messages surprenants à la galerie SpaceJunk. Il se questionne (...)

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X