Tonnerre sous les tropiques

Des acteurs égocentriques tournent un film de guerre opportuniste, mais la fiction est dépassée par la réalité. Un jeu de massacre satirique et hilarant signé Ben Stiller. Christophe Chabert

C’est le genre de folie que s’offre Hollywood de temps en temps. Steven Spielberg et John Mac Tiernan l’avaient fait avec 1941 et Last action hero, et l’avaient payé cher. Beaucoup prédisaient la même chose à Tonnerre sous les tropiques… Non seulement Ben Stiller a sauvé sa peau au box-office mais il va être difficile de faire comme si cette tornade hilarante n’existait pas la prochaine fois qu’on nous refourguera une superproduction débile. Mettre à nu les câbles énormes derrière le cinéma américain pour s’en moquer et moquer, au passage, le pays qui l’abrite : voilà le projet de ce blockbuster parodique. Tonnerre sous les tropiques est l’adaptation d’un livre sur le viet-nam retraçant l’expérience de Four-leaves, revenu du merdier avec deux mains en moins. Pour interpréter les membres de son commando, on a réuni un yakayo en perte de vitesse (Stiller), un comique héroïnomane (Jack Black, célèbre grâce à La famille Prout !), un acteur australien adepte de la Méthode (Robert Downey Jr, qui s’est fait dépigmenter la peau pour jouer un sergent noir), une vedette de la pub ayant pris comme pseudo Alpa Chino (Brandon Jackson) et un geek puceau (Jay Baruchel). Le tournage est un naufrage, les caprices des vedettes et l’incompétence du réalisateur font exploser le budget. Du coup, rien de tel qu’une vraie guerre pour remotiver ces tocards égocentriques.

Tempête du désert intellectuel

Attaquant à la kalachnikov les codes du film de guerre, mais aussi tout ce qui relève de l’arnaque hollywoodienne (notamment les rôles d’handicapés pour gagner un oscar), Stiller tricote aussi un commentaire mordant sur l’actualité politique : Four-Leaves, patriote bidon et mythomane, est un mélange de Bush et de MacCain, mais le souci égalitaire du blanc envers le noir — en fait une enfilade de clichés racistes, en dit long sur le soutien d’Hollywood à Barack Obama. Personne ne sort donc indemne de ce jeu de massacre, carnaval de personnages aux identités brouillées au-delà de leur rôle à l’écran, sauf le cinéma de Stiller. Car Tonnerre sous les tropiques est une proposition brillante qui critique les écrans de la télé, du clip et de la pub en les intégrant au cœur même de son intrigue. Comme si une guerre des images se jouait derrière cette vraie-fausse guerre… Une VHS brandie comme un trophée par un chef de guerre de dix ans suggère d’ailleurs que la seule arme de destruction massive, ce sont les produits frelatés de l’usine à rêves. Mieux vaut en rire !

Tonnerre sous les tropiques, de et avec Ben Stiller (EU, 1h48) avec Robert Downey Jr, Jack Black…

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