Infinie solitude

Véritable rock-star du théâtre de ces dernières années, le metteur en scène Vincent Macaigne retrouve le cinéma en tant que simple comédien avec "Un monde sans femmes", de Guillaume Brac. Un premier film réussi, notamment grâce à ses acteurs, impeccables. Aurélien Martinez

À Grenoble, on connaît surtout Vincent Macaigne comme metteur en scène survolté et trash, grâce à la MC2 qui a notamment programmé ses deux dernières mises en scène (Idiot !, et Au moins j’aurai laissé un beau cadavre), et grâce à la Cinémathèque qui a diffusé son court-métrage Ce qu'il restera de nous. Le retrouver comme simple acteur dans un film a priori aux antipodes de son monde ne pouvait qu’intriguer. Cette semaine, le cinéma Le Méliès programme donc Un monde en femmes, moyen-métrage de Guillaume Brac sorti en février dernier au niveau national, et précédé du court-métrage Le Naufragé. Un dytique sensible centré sur la figure de Sylvain, jeune trentenaire solitaire qui loue un appart sur la côte picarde (« la Côte d'Azur à moitié prix » comme le chantaient les VRP) à des Parisiens en vacances. Des Parisiennes cette fois-ci, à savoir une mère et sa fille. La rencontre entre deux mondes finalement pas si éloignés que ça...

Pour ne pas vivre seul

Car Guillaume Brac met en lumière ce qui rassemble ses personnages : un sentiment d’éloignement au monde, de rupture avec une réalité impalpable. Sylvain semble s’inventer une vie (on ne verra jamais ses amis qu’il évoque à plusieurs reprises), quand Patricia, la jeune mère, donne l’impression de masquer un réel mal-être derrière un masque de jovialité. Avec tact et maîtrise, sans en rajouter dans le psychologisme outrancier ou l’apitoiement malsain, Guillaume Brac compose une sorte de tableau impressionniste filmé (on l’imagine fortement influencé par Rohmer par exemple), porté par des comédiens très juste : Vincent Macaigne d’abord, à la fragilité assez saisissante (surtout au vu de sa manière excessive de travailler le théâtre) ; et Laure Calamy ensuite, comédienne rayonnante découverte notamment dans les mises en scène de Vincent Macaigne. C’est elle qui campait la reine Gertrude dans sa relecture d’Hamlet. Une reine qui, en larmes devant son fils, hurlait qu’elle avait tout essayé, mais qu’elle n’y arrivait plus, qu’elle ne savait plus quoi faire, et qu’elle continuerait à vivre, quitte à surjouer. Finalement, malgré des formes différentes, Macaigne et Brac parlent, chacun à leur manière, du même sujet : d'une génération qui se questionne violemment sur le sens d’une existence vue comme dénuée d’idéaux.

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Lundi 14 mars 2022 La course à perdre haleine d’une mère célibataire jonglant entre découvert chronique, problèmes domestiques, boulot à Paris et espoir d’un meilleur job. Ou comment derrière une vie quotidienne se dissimule le plus impitoyable des thrillers...
Mardi 8 septembre 2020 Si le festival de Cannes avait eu lieu en mai comme il se doit, on aurait vu Patrick, l’un des protagonistes du nouveau film de Caroline Vignal (...)
Mardi 3 septembre 2019 Un seul être revient… et tout est dévasté. Cédric Kahn convoque un petit théâtre tchekhovien pour pratiquer la psychanalyse explosive d’une famille aux placards emplis de squelettes bien vivants. Un drame ordinaire cruel servi par des interprètes...
Mardi 20 juin 2017 Dernier été pour les yeux d’Ava, ado condamnée à la cécité s’affranchissant des interdits ; et premiers regards sur le cinéma de Léa Mysius (coscénariste des "Fantômes d’Ismaël" d'Arnaud Desplechin) avec ce film troublant et troublé, ivre de la...
Mardi 9 février 2016 Anne Fontaine, qui apprécie toujours autant les sujets épineux (et a pris goût aux distributions internationales), en a débusqué un en Pologne : l’histoire de religieuses enceintes après avoir été violées par des soudards soviétiques… Surprenant....
Mardi 18 novembre 2014 Présenté comme un film sur l’histoire de la French Touch, "Eden" de Mia Hansen-Love évoque le mouvement pour mieux le replier sur une trajectoire romanesque : celle d’un garçon qui croyait au paradis de la house garage et qui se retrouve dans...
Mardi 3 juin 2014 Premier film sous influence Wes Anderson de Vincent Mariette à l’humour doucement acide, où deux frères et une sœur partent enterrer un père devenu un fantôme dans leur vie, pour un road movie immobile stylisé et séduisant. Christophe Chabert
Mercredi 22 janvier 2014 De Guillaume Brac (Fr, 1h40) avec Vincent Macaigne, Solène Rigot, Bernard Menez…
Mercredi 18 décembre 2013 Un joli premier film signé Sébastien Betbeder, à la fois simple et sophistiqué, qui raconte des petites choses sur des gens ordinaires en tentant de leur donner une patine romanesque, comme un croisement entre les chansons de Vincent Delerm et...
Jeudi 12 septembre 2013 Un micmac sentimental autour d’un droit de visite paternel le soir de l’élection de François Hollande. Bataille intime et bataille présidentielle, fiction et réalité : Justine Triet signe un film déboussolant dont l’énergie débordante excède les...
Vendredi 7 juin 2013 Premier long-métrage d’Antonin Peretjatko, cette comédie qui tente de réunir l’esthétique des nanars et le souvenir nostalgique de la Nouvelle Vague sonne comme une impasse pour un cinéma d’auteur français gangrené par l’entre soi. Qui mérite, du...
Mercredi 19 décembre 2012 L’award du meilleur film de l’année : Holy Motors De Leos Carax, on n’attendait plus grand chose, après treize ans de silence et un Pola X extrêmement (...)
Jeudi 10 novembre 2011 Après avoir secoué un festival d’Avignon par trop vaporeux, la dernière création de Vincent Macaigne, Au moins j’aurai laissé un beau cadavre, arrive cette semaine sur les planches fébriles de la MC2. Portrait de l’artiste en rock star du théâtre...
Lundi 12 septembre 2011 Fin 2009 : les Jeunes populaires, bébés UMP menés par le truculent Benjamin Lancar, livraient au monde entier un lip dub mémorable où l’on découvrait une (...)
Vendredi 1 juillet 2011 Pour son passage à la forme cinéma (avec un moyen-métrage de quarante minutes), le metteur en scène Vincent Macaigne, déjà aperçu par deux fois à la MC2, conserve (...)
Mercredi 16 décembre 2009 Mardi soir avait lieu la première des quatre soirées "Cabaret(s)" de la MC2. Avec une Meret Becker renversante et – surtout – un Vincent Macaigne tonitruant. A voir.
Lundi 7 décembre 2009 PORTRAIT / En avril dernier, au sujet d’une représentation à Orléans de son Idiot ! d’après Dostoïevski (présenté à la MC2 la saison passée), Vincent Macaigne nous (...)

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X