Into the abyss

Et si le cinéma d'Herzog n'avait jamais été aussi passionnant que depuis ces dernières années ? Avec "Into the abyss", documentaire à charge contre la peine de mort, l'auteur de "Fitzcarraldo" offre le portrait fascinant d'une Amérique monstrueuse et définitivement humaine. Jérôme Dittmar

Werner Herzog s'est découvert une passion, l'Amérique et ses criminels. Précédent On Death row (sur une prison haute sécurité et son couloir guillotine) et Hate in America (une série en projet), Into the abyss ouvre le premier la porte des enfers. Direction donc le Texas, à la rencontre d'un condamné à la peine capitale et son complice, leurs proches et ceux des victimes. À l'origine du film, une histoire aussi dérisoire qu'effroyable : un bête vol de voiture par deux adolescents paumés tournant au triple meurtre. Pour remonter le fil de l'histoire, Herzog opte pour la méthode classique, la parole, prise en plan simple et mise en scène dans des cadrages lumineux aux allures un peu irréelles. Ce choix d'aller vers un format documentaire a priori balisé n'est pas un formatage, il est évident : Into the abyss n'est qu'une grande et folle confession, s'ouvrant dans un mélange de facéties et de gravité sur un pasteur, filmé en amorce d'un cimetière de condamnés à mort.

Compassion généralisée

Ce plan matrice du personnage religieux qui à la fois guide et écoute, Herzog l'endosse jusqu'au bout et dans le but d'un dépassement nietzschéen. Ainsi passé l'énoncé des faits (à renforts d'hallucinantes images d'archives), Herzog creuse, dialogue, s'impose et se tourne vers une impressionnante compassion généralisée embrassant aussi bien chaque protagoniste. Tantôt il sympathise avec le condamné à mort, cherchant à l'humaniser en le poussant à parler de sa condition avec le sourire ; tantôt il écoute avec empathie la fille et sœur des victimes, dernière survivante d'une famille décimée. Chaque rencontre, jusqu'au criminel le plus dur, fait l'objet d'une même volonté de ne pas juger, de se débarrasser des réflexes de moralité, pour montrer les individus entiers. Une voie casse-gueule qui, à défaut d'analyse (le film prend parti contre la peine de mort sans vraiment interroger ses mécanismes), offre le portrait fascinant d'une Amérique monstrueuse que le cinéaste regarde droit dans les yeux – rien d'étonnant, quand on sait combien Herzog a déjà observé la part sauvage de l'homme. Antithèse parfaite du Killer Joe de Friedkin, Into the abyss s'assoit à la table des rednecks et autres taulards de père en fils pour les tenir par la main. Pas pour la communion solennelle ; juste montrer la grandeur d'une âme.

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