Voyage dans le temps

Une exposition didactique passionnante sur le courant impressionniste et une autre plus difficile sur les dessins italiens anciens : en ce mois de mars, le Musée de Grenoble fait coup double. L’occasion de s’entretenir avec le maître des lieux Guy Tosatto, sur sa politique et sa vision de la notion de musée au XXIe siècle. Tout un programme. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Petit Bulletin : Comment sont élaborées les expositions temporaires ?
Guy Tosatto : C’est le fruit d’une pensée globale avec des articulations et des alternances… Au Musée de Grenoble, où l’on est à la fois art ancien, art moderne et art contemporain, il faut trouver un équilibre. C’est vrai que notre vocation est plutôt le XXe siècle et l’art contemporain, mais en même temps, on aime faire des retours en arrière pour montrer qu’il y a une vraie continuité qui traverse toute l’Histoire de l’art, de siècle en siècle. C’est un peu ce que j’essaie de mettre en œuvre au fil des années, des saisons… Ensuite, il y a les opportunités, comme là par exemple avec les Impressionnistes : dans le cadre d’un échange avec le Musée Thyssen-Bornemisza de Madrid et la Fondation Gulbenkian de Lisbonne, on a pu obtenir ces tableaux, ce qui m’a donné l’idée finalement d’imaginer cette exposition-dossier. Je trouvais que cela tombait bien, en même temps que cette exposition sur les dessins italiens qui faisait une sorte d’équilibre entre des tableaux de peinture a priori très accessibles et un registre plus exigeant qu’est le dessin, qui n’est pas, loin de là, aussi populaire…Avec Lire l’impressionnisme, vous avez donc fait le choix d’une exposition pédagogique en ne présentant que six tableaux…
Oui, absolument. On a voulu revenir sur ce mouvement à la fois très connu, mais finalement qu’on ne voit plus vraiment comme ce qu’il a apporté d’essentiel à l’Histoire de l’art : c'est-à-dire la manière dont les Impressionnistes ont préfiguré les grands courants avant-gardistes du XXe siècle. Le principe est donc de prendre son temps pour regarder les œuvres. C’est un tableau par salle, totalement isolé sur son mur, ce qui est un luxe extraordinaire ! On prend le visiteur par la main pour lui montrer ce que nous avons envie qu’il regarde et qu’il retienne des peintures… tout en le laissant évidemment très libre.Vous semblez prendre le contre-pied de la tendance actuelle faite d’évènements façon expositions blockbusters…
Il y a un mouvement qui se dessine depuis plusieurs années afin de créer des évènements. D’ailleurs, ce sont souvent des lieux qui les mettent en place et non les musées. Le Grand Palais par exemple : certes, derrière, il y a le Musée du Louvre, le Musée d’Orsay, etc, mais c’est un lieu autonome. Et des fois ces lieux – pas qu’en France, loin de là – raisonnent plus en termes économiques. Tant que cette notion de rentabilité va de pair avec un travail de fond original dans le domaine de l’Histoire de l’art, formidable ! A partir du moment où l’on n’assiste qu’à des expositions-spectcales où le contenu n’a pas d’importance, mais où seuls comptent les grands noms, l’abattage publicitaire et les produits dérivés, je trouve ça très dommageable, et l’on peut se poser quelques questions sur l’avenir… L’un des défis des musées au XXIe siècle est justement de ne pas se transformer en simple lieu d’évènements temporaires, mais de valoriser aussi leurs collections permanentes. C’est ce que vous avez souhaité faire avec la seconde exposition De chair et d’esprits, en sortant de vos réserves des dessins anciens…
L’une des fonctions d’un musée est aussi d’étudier tout ce que les siècles précédents ont apporté. On a effectivement une collection de dessins anciens très importante – plusieurs milliers – et je m’étais promis lors de mon arrivé à Grenoble que nous entamerions un travail autour de ce fond. Il y a donc un programme sur trois ans de présentation de ces dessins, par école – les italiens cette année, les français l’année prochaine, les nordiques dans deux ans – avec une publication des plus belles feuilles et la mise en ligne de l’ensemble. Les musées doivent prendre en considération le patrimoine, l’étudier et le porter à la connaissance du public. C’est ce que l’on fait régulièrement à Grenoble : on l’a fait il y a quelques années avec l’art africain par exemple, un peu plus récemment avec les chefs-d’œuvre dessinés du XXe siècle – parce que comme toujours à Grenoble, on commence par le XXe siècle et après on remonte… ça y est, on est donc partis pour un grand voyage dans le temps !LIRE l’IMPRESSIONNISME + de chair et d’esprit, les dessins italiens du musée de grenoble
Jusqu’au 30 mai, au Musée de Grenoble

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