« Une rébellion pacifiste »

Carton session

Bar À l'Ouest

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Ça fait maintenant plus de 10 ans que Yann Ribet, alias Skad, président de l'association Total Session, s'investit corps et âme dans la culture hip-hop. Ce passionné, qui a lancé en 2010 le festival "L'Europe du hip-hop", fait partie des "anciens" qui s'emploient, aujourd'hui encore, à faire vivre le hip-hop à Grenoble. L'occasion pour lui d'aborder entre autres le "dilemme" culture et politique... Propos recueillis par Charlotte Haas

Comment se manifeste la culture hip-hop au quotidien ?
Skad
 : Le hip-hop est partout : dans les musées, les chorégraphies des spectacles de danse contemporaine… Il prend déjà une grande place dans nos sociétés aujourd’hui. Le problème est que le politique ne s’est jamais emparé du hip-hop, n’a pas compris le message qu’on voulait transmettre. C’est donc par amour du hip-hop que j’ai souhaité me consacrer à transmettre cette culture. Et c’est par elle qu’est née mon envie professionnelle.

Comment, selon vous, la Ville de Grenoble agit en faveur de la culture hip-hop ?
La Ville ne fait pas grand-chose pour le hip-hop. Ça fait depuis pas mal de temps qu'on demande un lieu qui servirait au développement de la culture hip-hop, sans résultat. À l'époque, plusieurs associations ont fait des demandes. Depuis, on tente de se regrouper et de travailler conjointement avec d'autres associations comme le collectif C Nous.

Il y a quand même eu un appel à projets de 15 000 euros lancé par la Ville entre avril et mai 2013…
On a décidé de ne pas répondre à l’appel à projets « Cultures urbaines ». On ne cautionne pas le principe. Si le montant avait été plus important, alors on aurait sûrement réagi différemment. Là, franchement, 15000 euros, ça donne l’impression que la Ville ne croit pas au hip-hop, aux cultures urbaines. C’est un prétexte pour dire : on accompagne les cultures urbaines. Sauf que pour moi qui suis dans le milieu associatif depuis plus de 10 ans, j’ai bien compris que c’était une façon de nous envoyer balader.

Les associations Contratak prod et Retour de Scène ont répondu à l’appel à projets. Elles ont ainsi pu mettre en place un nouveau festival Vous êtes bien urbain, tourné sur les cultures urbaines...
On est très contents pour eux. Total Session lance cette semaine la troisième édition du projet L’Europe du hip-hop. À l’origine, le projet devait avoir lieu au début du mois de juillet, finalement il se fait au mois d’octobre (du 17 au 24 octobre). Il se trouve que cette semaine, on se croise sur deux journées avec le festival Vous êtes biens urbain. Par exemple, le mardi en fin d’après-midi, on va au centre-ville pour faire une carton-session et ça va se passer en même temps que Vous êtes bien urbain. Contratak prod a prévu une exposition avec des collages dans la rue.

En quoi consiste une carton-session ?
C’est l’avenir, un espace d’expression libre ouvert à tous. C’est un principe né à partir d’un échange entre des musiciens jazz et des danseurs hip-hop. C’est une sorte de clin d’œil à l’histoire parce que la danse hip-hop est née comme ça. On dansait à partir de rien, accompagné de son petit poste, on écoutait les sons funk et on prenait un bout de carton pour aller danser et faire ses pas de danse au sol. C’est un formidable support d’expression. On peut faire une multitude de choses avec un simple bout de carton.

Vous dites que "la culture rassemble et l'argent divise"…
La culture hip-hop est une culture d'unification et d'adaptation. Elle s’adapte au fonctionnement de nos sociétés. Celles-ci sont dirigées par la politique qui décide d'accompagner la culture en lui allouant un budget... Sauf que la culture ne s'achète pas. Aujourd'hui, dans le fonctionnement de nos sociétés, on se noie dans la forme, sous une envie légitime de professionnalisation. Mais en le faisant à tout va, ça finit par tuer la culture. À quoi bon attribuer des budgets à la culture quand on n'a pas résolu le dilemme de la culture et du politique ?

Et comment le résoudre ?
Le hip-hop, c’est comme une rébellion pacifiste. Ça peut étonner pas mal de gens car la culture hip-hop est souvent pensée comme une simple activité culturelle. Or, on parle ici de culture, pas de ce que les gens font. C’est dans le hip-hop que se trouve la clé du développement social.

Pour pouvoir mettre en place la troisième édition de L’Europe du hip-hop, vous avez touché une subvention du programme Jeunesse en action. Il faut bien de l’argent pour que le festival existe ?
En soi, le hip-hop n’a pas besoin d’argent. Par contre, les personnes qui transmettent la culture hip-hop  ont besoin d’argent pour vivre. Un festival est toujours pensé par une programmation. L’Europe du hip-hop, c’est l’inverse de ça. C’est la mise en place d’espaces d’expression libre. On essaye d’y faire vivre la culture sans se baser sur la consommation culturelle. À partir du moment où il y a consommation culturelle, la culture n’existe plus. Ce que l’on partage est une sensibilisation à une culture.

Quel message souhaitez-vous transmettre aux politiques ?
Il faut penser la culture autrement. La culture hip-hop est accessible à tout le monde, y compris aux personnes qui n’ont plus rien. La culture est un synonyme de liberté. On parle de culture, on parle de liberté ; on parle d’argent public, on parle de cadre. Alors, cadrons des espaces de liberté. C’est la clé du développement social. Il faut laisser les gens s’exprimer librement. Il faut qu’on ait un lieu pour que la culture hip-hop se développe, amener toutes les personnes à cette prise de conscience.

L’Europe du hip-hop, du 17 au 24 octobre à Grenoble

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