Marie Brillant : « "Au nom de…" n'est pas un spectacle militant »

Théâtre / « – Que gagnez-vous à ne pas croire ? – Rien du tout Madame. Est-ce que l’on croit parce qu’il y a quelque chose à gagner ? » (Diderot). Avec "Au nom de…", Marie Brillant, jeune metteuse en scène grenobloise, a élaboré un spectacle intelligent et drôle, à partir de plusieurs auteurs critiques sur la notion de croyance.

Tout est parti de l’idée d’ausculter le fait religieux ?

Marie Brillant : Sur ma première création [Familière Familie, NDLR], j’avais travaillé sur le thème de la famille et des normes, à partir de l’auteur Octave Mirbeau. Il mettait ainsi en évidence trois oppressions principales que sont la famille, l’école et l’église au niveau des dogmes. Ce dernier point m’a vraiment intéressée : on parle beaucoup de la croyance aujourd’hui, mais on n’explique pas véritablement ce que veut dire le fait de croire. Donc j’ai fait un spectacle à partir de ce seul thème.

Avec l’idée de « s’amuser ensemble à remettre en question nos certitudes » [extrait de la note d’intention du spectacle]…

Tout le monde a des croyances, religieuses ou non. Il se trouve que je suis partie de la culture que je connais le mieux – la culture chrétienne –, mais je parle de toutes les croyances, même les superstitions. Je veux simplement mettre en évidence que tout part de l’humain : l’homme n’aura jamais la réponse de l’existence ou non de Dieu, ou sur pourquoi il serait là. L’homme est donc responsable de ses questions et des ses réponses, et donc de ses actes.

Comme vous venez de le dire, vous parlez beaucoup de la religion chrétienne…

Dans le spectacle, il y a le personnage d’un curé qui, certes, vient de la religion chrétienne, mais qui est avant tout un agent de Dieu. C’est quelqu’un qui vient parler, qui a donc le pouvoir. C’est simplement ça qui m’intéressait : ces liens de pouvoir et d’influence. Après, j’ai voulu mettre un peu d’humour et d’ironie là-dedans parce qu’on en manque souvent sur ce thème…

Car au final, c’est assez présomptueux de pouvoir dire que l’on a raison sans jamais pouvoir le prouver ! Pourtant, on n’a pas besoin d’un Dieu pour démontrer qu’il est mal de tuer quelqu’un – ces choses-là existaient dans les cultures païennes avant même que l’on se pose la question d’un être supérieur. C’est une logique morale, ce qu’affirme d’ailleurs Paul Veyne [historien français spécialiste de la Rome antique, NDLR] que l’on cite dans le spectacle. Après, je ne veux pas donner de leçons ou dire qu’il faut être athée. Ce n’est pas un spectacle militant…

Pourtant, pour faire un tel spectacle, il ne faut peut-être pas être athée, mais au moins accepter la remise en question de l’existence de Dieu ?

Je ne sais pas… ça m’a échappé alors (rires) ! Pourtant, on l’a joué dans des lieux où l’on avait un public très croyant. On a même eu un ancien curé qui est venu voir le spectacle… Et les retours de ces gens-là m’ont extrêmement étonnée. Ils avaient beaucoup ri, ne se sentaient pas du tout agressés. Car je n’attaque pas la foi intime, mais ce que cela crée dans la réalité, ce qu’en fait l’homme. J’attaque plus l’homme et son ridicule que le simple fait de croire – je n’ai pas l’impression d’être irrespectueuse envers les personnes croyantes.

Comment êtes-vous arrivée à la mise en scène ?

J’ai fait deux masters de recherche, en littérature et en théâtre. J’arrivais avec des thèmes toujours un peu bizarres, comme la décapitation au théâtre ou encore le rire, le corps et la mort. Et quelque part, en continuant à choisir des auteurs pour mes mises en scène, je reste dans ce cheminement…

Diderot, Mirbeau, Veyne, Le Baron d’Holbach… Vous avez élaboré un pot-pourri à partir de plusieurs textes de ces auteurs…

J’aime bien donner beaucoup d’informations, et laisser une grande part d’imaginaire au spectateur pour qu’il puisse prendre celles qu’il souhaite… Donc un pot-pourri, oui, même si j’ai l’impression qu’il y a quand même une continuité. Pour les trouver, j’ai lu beaucoup, et j’ai fait une sélection. Avec les acteurs, on a travaillé dessus pendant une petite semaine, ils m’ont fait part de leurs préférences, et après j’ai réalisé le montage.

J’ai aussi utilisé quelques prospectus que l’on récupère à la sortie des églises, et que j’ai pris au premier degré, sans en changer un seul mot. Il y avait par exemple une affiche dans l’église de ma rue qui disait "si tu crois, tu seras sauvé". Mais tu peux aussi ne pas croire, et la question d’être sauvé ou non ne se pose pas !

AU NOM DE…
Du mardi 30 mars au samedi 3 avril à 20h30, au Théâtre 145

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