Près de Lyon : les Rois Vagabonds explosent les disciplines

Les rois vagabonds

Grand village éphémère

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Cirque / Le spectacle vivant est un des rares moment où l’on ne fait qu’une chose à la fois. Pour le public, du moins... Car Les Rois Vagabonds, eux, jonglent entre les disciplines durant plus d'une heure. Leur "Concerto pour deux clowns" est joué au Grand Théâtre Éphémère de Sainte-Foy-l’Argentière.

Julia Moa Caprez est violoniste classique virtuose. Elle est danseuse, chanteuse, acrobate. Tout comme Igor Sellem, brillant cascadeur et trompettiste. Tous deux sont metteurs en scène des arts du cirque. Mais surtout, tous deux sont clowns.

« Clown est un mot assez galvaudé » explique Moa, qui publiait en 2021 son livre Les Rois Vagabonds - à la recherche de l’autre aux éditions Magelan. Dans cet ouvrage, l’artiste décrit son travail, ce que représente le clown, ce qu’il incarne, comment elle l’incarne, comment il est devenu son métier. « Le clown, c’est la manifestation d’un être qui nous manque depuis toujours. Il raconte ce mystère que nous sommes incomplets à nous-mêmes » écrit-elle.

La clown et l'auguste

Lors de notre rencontre, elle revient sur la création du duo. « L’image du roi et du vagabond nous ramenait au duo comique qui brillait à la fin du XIXe siècle. Le clown blanc et l’Auguste, le rapport dominant-dominé, bourgeois-prolétaire.… » L’auguste (interprété par Igor) plus petit, naïf, s’amusant du prestige du clown blanc, tente de lui voler la vedette. Sa petite caisse en bois lui sert de promontoire pour ses acrobaties, il y ajoute quelques accessoires. Lui ne fait étalage de l'étendue de ses aptitudes qu'au fur et à mesure de la prestation, semblant même les découvrir pour la première fois avec les spectateurs et spectatrices. Mais au fil du spectacle, clown blanc et auguste abolissent la hiérarchie. Ce qu’ils cherchent avant tout, c’est être aimés du public.

Le clown de situation se met alors en marche, les artistes cassent le quatrième mur, flirtent avec l’imprévu, créant une relation triangulaire avec le public. Prouesses techniques du corps et acrobaties de haut vol s'amalgament dans un concerto fascinant aux airs de Bach et Vivaldi — au service d'un humour poétique et muet. Les corps dialoguent. Le langage de la musique prend le relais, les visages, les regards parlent. La partition phonique est incessante : cris, pleurs, gémissements, et bien sûr, chant. « Pour la chanter bien, il faut se libérer de l’idée qu’une voix est masculine ou féminine » explique Moa. La clown chante alors Vedrò con moi diletto, un air de l’opéra de Giustino que Vivaldi a composé pour un castrat. Le public frissonne.

Serais-je ton genre ?

On s’interroge alors. Ces deux clowns, sont-elles des femmes, sont-ils des hommes ? « Cela me réjouit. Le public doute de mon sexe, plus aucune lecture de genre ne m’enferme. Je jubile dans un espace neutre et égalitaire loin des repères habituels. Enfant, je ne voulais être ni fille ni garçon. Mais puisque j’étais fille, je rêvais d’en être une qui ressemble à un garçon. Sans le savoir, j’imaginais l’androgynie ; je présentais en elle une liberté. Clown, je l’ai retrouvée : je suis femme et homme dans le même corps » confie Moa.

Sous le chapiteau, la magie

Le chapiteau apporte une nouvelle dimension. Le temps est suspendu. « Le chapiteau donne une liberté de création. Il est à tout le monde, il n’y a pas d’entre soi social déjà créé, il n’y a pas d’habitués qui connaissent le lieu comme s’ils venaient au théâtre. Le public est tellement différent selon les soirs. C’est un plaisir. »

Quand on évoque les différentes lectures possibles qu'offre le spectacle, certaines dimensions esthétiques et politiques n'avaient pas été imaginées par les artistes. Moa s’en amuse : « ça me fait triper qu’il y ait plein de lectures, que les gens s’en emparent, qu’ils y trouvent ce qu’ils ont envie, c’est ça le spectacle vivant ! » Trouvez-vous la vôtre ?

Les Rois Vagabonds, Concerto pour deux clowns
Au Grand Théâtre Ephémère de Sainte-Foy-l'Argentière
Jusqu'au samedi 12 novembre 2022
Le 22 février au Tobbogan de Decines
Réservations : 06 95 73 63 31

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