L'entreprise individuelle à l'IS : une bonne ou une mauvaise idée ?

Jean-Philippe Novel-Catin et Vincent Meyer, experts-comptables / L’entreprise individuelle est une forme juridique adaptée à ceux qui souhaitent lancer leur activité sans s’engager dans des démarches administratives importantes. Moins contraignante à mettre en place qu’une société, elle présente un certain nombre d’atouts, mais aussi des limites.

L’entrepreneur individuel, un statut qui a évolué

Depuis le 15 mai 2022, le statut de l’entrepreneur individuel a évolué. Le nouveau statut de l’entrepreneur individuel permet de mieux protéger les biens personnels de l’entrepreneur. Ainsi, à compter de cette date et sauf exceptions, l’entrepreneur n’est plus responsable sur son patrimoine personnel des dettes professionnelles. En cas de défaillance professionnelle, seuls les éléments nécessaires à l’activité professionnelle de l’entrepreneur peuvent donc aujourd’hui être saisis. La séparation des patrimoines s’effectue automatiquement, sans démarche administrative ou information des créanciers.

Autre grande nouveauté de la réforme du statut de l’entrepreneur individuel, la possibilité d’opter pour l’impôt sur les sociétés (IS) pour l’entrepreneur au régime réel d’imposition.

Les modalités d’option et les conséquences

L’entrepreneur individuel a désormais la possibilité d’être assujetti à l’IS en optant pour l’assimilation à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) ou à une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL). Cette assimilation à l’EURL ou EARL est définitive.

L’option doit être notifiée au service des impôts du lieu du principal établissement avant la fin du troisième mois de l’exercice au titre duquel l’entrepreneur individuel souhaite être assimilé à une EURL ou à une EARL.

L’administration fiscale a rappelé que cette option entraîne les conséquences suivantes :

– Transfert des biens inscrits au patrimoine de l’EI à celui de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou à une EARL, qui doit fiscalement être traité de la même façon que l’apport de ces mêmes biens à celui d’une EURL ou d’une EARL. Cela signifie une taxation immédiate ou une mise en sursis d’imposition des éventuelles plus-values dégagées dès lors qu’elles ne peuvent bénéficier des exonérations applicables existantes pour les petites entreprises.

– Cessation de l’entreprise individuelle initiale entraînant l’imposition du bénéfice réalisé. À ce titre, le Conseil national de l’Ordre des experts-comptables (CNOEC) a recommandé d’établir un bilan de clôture de l’entreprise individuelle initiale à l’impôt sur le revenu (IR) et de présenter un bilan d’ouverture de celle à l’IS bien que l’entreprise soit juridiquement la même afin de traduire clairement dans les comptes cette divergence entre l’analyse juridique et l’analyse fiscale.

Dès lors que l’entrepreneur aura opté pour l’IS, les règles de détermination de son revenu changeront radicalement.

Impact sur l’imposition personnelle

L’entrepreneur est imposé uniquement sur les revenus qu’il a réellement perçus. De plus, les rémunérations versées au chef d’entreprise deviennent déductibles du résultat. Elles sont soumises à l’IR dans la catégorie des « traitements et salaires », et au même titre que celle d’un salarié, elles bénéficieront de l’abattement 10 % pour frais professionnels.

L’entreprise individuelle est soumise à l’impôt sur les sociétés au taux réduit à 15 % sur la part des bénéfices jusqu’à 42 500 euros ; au-delà, le bénéfice est imposé au taux normal de l’IS, soit à 25 %.

En outre, l’exploitant individuel disposera de la faculté de percevoir une partie du bénéfice net (après IS) sous forme de dividendes. Ces dividendes seront soumis fiscalement à la flat-tax (12, 8 %) ou au barème progressif de l’IR et aux prélèvements sociaux à 17, 20 % ou aux cotisations sociales.

Dès lors qu’il y a option à l’IS, les règles concernant les plus-values, leurs modalités de taxation et les exonérations éventuelles changent également. En effet, lorsque l’entrepreneur est imposé à l’IR, une distinction devra être opérée entre les plus-values à court terme et à long terme. Les plus-values à court terme seront comprises dans le résultat de l’entreprise (avec possibilité d’étalement sur trois ans), alors que les plus-values à long terme seront imposées au taux forfaitaire de 30 %.

En revanche, dès lors que l’option à l’IS aura été exercée, la plus-value dégagée sera soumise au barème de l’IS cité ci-dessus dans la très grande majorité des cas de figure.

Toutefois, il convient de préciser que les cas d’exonération des plus-values ne sont pas identiques en cas d’imposition à l’IR ou à l’IS. L’exonération en cas de cession d’une branche complète d’activité (art. 238 quindecies du CGI) est toujours applicable.

Impact sur les charges sociales

Que le chef d’entreprise relève du régime fiscal de l’IR ou bien qu’il ait opté pour l’IS, son statut social dépendra toujours du régime des travailleurs non salarié (TNS). Il relève ainsi de la sécurité sociale des indépendants (SSI). En revanche, le revenu social ne sera plus calculé de la même façon. Pour mémoire, à l’IR, l’assiette correspond au montant du bénéfice (BIC ou BNC). Il convient d’ajouter à ce montant les cotisations complémentaires facultatives (contrats Madelin ou plan d’épargne retraite) et les indemnités journalières perçues à titre personnel.

À l’impôt sur les sociétés, la base de calcul ne dépendra plus du bénéfice de l’EI mais de la rémunération versée et de la quote-part de dividendes dépassant 10 % du montant du bénéfice net. Il convient d’ajouter à ces montants les cotisations complémentaires facultatives (contrats Madelin ou plan d’épargne retraite) et les indemnités journalières perçues à titre personnel. Une décision d’affectation devra être prise afin de déterminer la quote-part du résultat mis en distribution et le montant mis en réserve ou report à nouveau.

La partie de dividendes inférieure au plafond de 10 % supportera les prélèvements sociaux au taux de 17, 2 % mais de facto, ne permettra pas l’ouverture de droits à la retraite, ni de protection
sociale.

Avantages et inconvénients

L’option à l’IS permet de ne pas être taxé à l’impôt sur le revenu et aux charges sociales lorsque l’activité nécessite de réinvestir une part significative du bénéfice dans des investissements ou des remboursements d’emprunts.

De plus, il est possible de piloter les revenus d’activité entre salaire et dividendes et/ou réserves. Cette option est d’autant plus intéressante que la tranche marginale d’imposition à l’IR du chef d’entreprise est élevée.

À l’inverse, l’option à l’IS ne permet plus de conserver les exonérations fiscales et sociales sur les plus-values réalisées en cas de ventes d’actifs sous conditions de chiffre d’affaires (art. 151 septies du CGI).

En outre, il faut attendre un an d’exploitation et l’établissement du bilan afin d’appréhender les dividendes, un prélèvement de la trésorerie au fil du temps n’est pas possible et nous pouvons souligner que la quote-part des dividendes exonérés de charges sociales reste très faible (seulement 10 % du bénéfice) ; à défaut les dividendes sont qualifiés socialement comme des salaires.

Néanmoins, il est possible de renoncer à l’option à l’IS. L’entrepreneur peut dénoncer son option pour l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés jusqu’au cinquième exercice suivant celui au titre duquel l’option a été exercée. La renonciation implique la taxation des bénéfices et des réserves, capitalisés ou non, comme distribution de dividendes.

Les entreprises qui ont renoncé à leur option pour l’assujettissement à l’IS ne peuvent plus opter à nouveau pour cet impôt.

Conclusion

Le passage d’un statut d’entreprise à l’IR à une entreprise individuelle à l’IS n’est pas un acte anodin fiscalement et socialement. Ce doit être une solution mûrement réfléchie car les implications sont multiples. Il est conseillé de faire une étude préalable avec ses conseils afin de bien maîtriser cette nouvelle opportunité fiscale pour les entrepreneurs individuels et de s’en faire une bonne idée.

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