Seule-en-scène / Spectacle autofictionnel d'une grande force, "Va aimer !" d'Eva Rami est un seule-en-scène dans lequel le double de la comédienne et autrice reprend son histoire en main afin d'en finir avec ses traumatismes. À voir à Mions en novembre et Vaulx-en-Velin en février.
Va aimer ! Un titre à l'impératif exclamatif, comme c'était déjà le cas avec Vole ! (2014) et T'es toi ! (2018), les deux précédents solos de la comédienne et autrice Eva Rami. Des injonctions bondissantes à l'image de cette artiste qui donne littéralement tout face au public, que ce soit à travers un jeu extrêmement physique ou un texte au plus près des émotions.
Avec Va aimer !, créé l'an passé, Eva Rami dissèque, via son double de scène prénommé Elsa, la notion d'amour et ses versants sombres — la domination, le non-consentement, l'enfermement. C'est une éducation sentimentale emplie de violences que vivra son personnage ; violences qu'elle amène intelligemment sur le plateau, sans aucun pathos et ni effets : voilà ce qu'ont vécu de nombreuses femmes comme moi ; voilà ce que produit la société patriarcale jusque dans les sphères les plus intimes et soi-disant protégées ; voilà comment nous encaissons en silence ; voilà comment nous nous retrouvons enfermées dans des cages...
Vivante
Ce récit dur, qui n'est pas sans rappeler les débats de société actuels, est pourtant délivré avec quelques chansons et, surtout, un grand sens de l'humour qui n'est pas là pour amoindrir ce qui est raconté façon pommade rassurante, mais pour donner du relief à ce parcours de vie. Un humour qui vient principalement des autres personnages qu'Eva Rami interprète avec, à chaque fois, une caractéristique (une voix, une posture, des mimiques, un tic de langage...) qui lui permet alors d'en convoquer de nombreux en un laps de temps record.
Grâce à cette incroyable performance d'actrice, Eva Rami a remporté au printemps le Molière du meilleur seul-en-scène face à de grands noms — dont, notamment, Dominique Blanc pour La Douleur et Ludivine Sagnier pour Le Consentement. Cette récompense couronne également, sans doute, la démarche d'une artiste qui, comme d'autres (par exemple Andréa Bescond dans Les Chatouilles ou Lionel Lingelser dans Les Possédés d'Illfurth), s'empare de la scène autant pour se livrer, se pacifier, se réparer, que pour alerter, bouleverser, transmettre... La force du spectacle vivant, tout simplement.
Va aimer !
Mardi 5 novembre à 20h30 au centre culturel Jean-Moulin (Mions) ; 7 à 12 euros
Samedi 8 février à 20h au centre culturel Charlie-Chaplin (Vaulx-en-Velin) ; 6 à 16 euros