Comédie / Avec sa troupe d'acteurs et d'actrices si précisément dirigés, Alain Françon continue d'explorer la fine langue de Marivaux. Du grand art.
Ne pas se fier au décor massif et un peu vieillot. Ces pans de murs alignés et dans lesquels sont découpés de petites portes (pour les domestiques) ou d'autres majestueuses et voutées (pour les aristos) ne sont qu'un appui à l'action des personnages. Aucune porte, seulement des passages. C'est là que se fomentent les fausses confidences, plus ou moins à l'abri des regards, dans une langue dont on ne cesse d'être impressionné par sa virtuosité. Marivaux renverse l'ordre établi parce que son Araminte va aller au bout de son désir en acceptant de renoncer à un mariage avec un comte tant souhaité par sa mère pour maintenir leur rang dans la haute société.
La jeune femme, grâce à l'entremise de Dubois, va rejoindre les bras de l'avocat désargenté, Dorante. Cette 27e pièce de Marivaux clôt, en 1737, sa lignée de comédies en trois actes dont le fameux Jeu de l'amour et du hasard ou La Seconde surprise de l'amour qu'a monté tout récemment Alain Françon. Ce dernier des grands metteurs en scène français en activité (avec Georges Lavaudant et Ariane Mnouchkine) poursuit avec une éclatante rigueur son exploration de l'auteur moderne qu'il avait entamée dès les années 80 mais dont il n'avait — selon lui — pas bien su quoi faire. Il s'était ensuite échiné à faire connaître le talent du dramaturge anglais décédé en début d'année, Edward Bond.
Amour et unité
L'amour immodéré de Françon pour les textes et les acteurs est éclatant dans cette nouvelle mise en scène — le spectacle a été créé à Carouge, à côté de Genève, le mois dernier — et son crew (Gilles Privat, Dominique Valadié, Pierre-François Garel...) est d'une remarquable unité. Georgia Scalliet qui avait déjà joué sous sa direction dès ses 23 ans à la Comédie-Française (Les Trois sœurs) porte avec solidité et nuances un personnage qui vacille, cherche avec de petits gestes nerveux à se dépêtrer du poids de sa lignée pour aller vers un homme qu'elle n'ose pas regarder tant il la déstabilise – les adresses au public sont fréquentes pour Dorante et Araminte. Et Alain Françon de signer une mise en scène de très haute précision au service d'une femme en mutation.
Les Fausses confidences
Du 6 au 17 novembre, au théâtre des Célestins ; de 9€ à 40€