Les théâtres de Lyon ouvrent grand leurs portes aux influenceurs

hashtag théâtre / Depuis quelques années, plusieurs théâtres de Lyon se tournent vers les influenceurs et influenceuses pour communiquer sur leurs programmations. Une stratégie payante pour convertir les nouveaux publics aux scènes.

"Poilade au TNG", "Sortir au théâtre pas cher", "sortie au théâtre et découverte d'une friperie lyonnaise" : Ainsi s'intitulent la succession de miniatures visibles sur le compte Instagram @letheatreavecmarie. Les titres, rédigés en lettres capitales, blanches sur fond noir invoquent la simplicité de vidéos qui respirent le fait-maison.

à lire aussi : "40° sous zéro" : sexe, drogue et grand-guignol au théâtre des Célestins

Micro grésillant, cadrage tremblant et parler naturel, la professeure de théâtre lyonnaise ne se « prend pas trop la tête ». Marie Mercader a lancé son profil Instagram il y a quatre ans pour valoriser ses cours de théâtre. Elle est aujourd'hui suivie par 2000 personnes, et a peu à peu élargi ses contenus aux sorties théâtre.

Aussitôt qu'elle a commencé à chroniquer des spectacles à Lyon (théâtre de la Croix-Rousse, TNG, Célestins, Boui-boui et autres), lesdites structures lui ont proposé la gratuité des spectacles.

à lire aussi : Théâtre, danse, humour et cabaret : les spectacles à voir en mars à Lyon

Les théâtres de Lyon en demande d'influenceurs et influenceuses

Bon nombre d'institutions lyonnaises sont à l'affût de ce type de profils, à l'instar de Karine Portrait, responsable de la communication du théâtre des Célestins. D'après elle, les scènes ne seraient pas assez présentes sur les réseaux sociaux, en comparaison avec la mode, le cinéma ou même le patrimoine.

Des domaines visuels qu'il est plus facile de valoriser sur les plateformes. Elle évoque aussi le désintérêt dont certaines sphères culturelles témoignent à l'égard des réseaux sociaux et de celles et ceux qui créent du contenu sur les plateformes.

Une opinion partagée par le TNG (Théâtre Nouvelle Génération). C'est d'ailleurs dans l'optique de renverser la situation qu'en 2022 ce dernier avait financé une formation à destination des jeunes qui souhaitaient devenir influenceurs. La structure avait fait appel à Kiblos, agence de communication spécialisée dans la culture.

La formation "influenscène" n'a cependant pas été renouvelée l'année d'après, la faute aux coupes budgétaires de la Région. Cependant, le TNG continue de prospecter les influenceurs et influenceuses, et à les inviter à leurs pièces.

« Les influenceurs font des ponts fluides entre le théâtre et des références grand public, comme des films ou des séries »

De simples invitations auxquelles ne se limitent pas les théâtres qui ont un budget communication plus conséquent. Le théâtre des Célestins a, en fin de saison dernière, rémunéré l'un des influenceurs, si ce n'est l'influenceur ''scènes'' le plus en vue de l'hexagone : Dramathis, alias Mathis Grosos, et pourtant seulement 6 000 followers sur Instagram et sur TikTok. 

Ce dernier a réalisé trois vidéos pour les Célestins, aiguillant les publics vers le type de spectacles à aller voir en fonction de leurs centres d'intérêt. « C'est normal de le rémunérer, il y a un vrai travail de propos, de recherche et de montage derrière chacune de ses vidéos », déclare Karine Portrait.

Cela fait d'ailleurs deux ans que l'institution lyonnaise travaille avec ce type de profils, — influenceurs et influenceuses théâtre, mais aussi littérature, maternité ou arts visuels — pour des tarifs « encore largement accessibles à nos budgets » rassure-t-elle sans préciser de montant. 

« Mathis Grosos arrive à parler du théâtre différemment, en faisant des ponts fluides avec des références grand public, comme des films ou des séries », reprend cette dernière. Le jeune homme a d'ailleurs été rappelé par le théâtre pour participer à une conférence autour de la pièce 40° sous zéro.

« Pour beaucoup le théâtre, c'était Phèdre au collège »

« On a invité d'autres personnes qui peuvent faire résonner, porter l'univers queer, burlesque, parfois un peu trash de la pièce », précise-t-elle. Parmi eux, des personnalités issues de tous les univers : Lionel Lingelser (metteur en scène), Saint Eugène (drag king et chercheur), Michelle Tshibola (performeuse) et Olivier de Sagazan (peintre, sculpteur et performeur). « L'objectif est de trouver des intervenants concernés par des thématiques de la pièce, et qui pourront attirer des personnes qui ne vont pas au théâtre. »

Tous ces efforts dans un seul but : abattre les clichés sur le théâtre. D'après Virginie Pailler du TNG, « Pour beaucoup, le théâtre c'était Phèdre au collège et ça s'est arrêté là. Au TNG, on fait des spectacles en réalité virtuelle sur des questions contemporaines comme le changement climatique. On est dans l'air du temps. Il faut qu'on arrive à en informer la jeune génération ».

« Mes élèves voient un enjeu plus grand à aller au théâtre qu'au cinéma »

Marie Mercader emmène régulièrement ses élèves réaliser leur « baptême » de théâtre. Étonnamment, ces derniers ne se rendent que très rarement voir des pièces. « Ils ne passent pas le cap », déclare la professeure de théâtre qui évoque la nécessité de « désacraliser » le lieu : « Mes élèves voient un enjeu plus grand à aller au théâtre qu'au cinéma », précise-t-elle.

Un état d'esprit que Virginie Pailler comprend : « Quand on va voir un film qu'on n'aime pas au cinéma, on peut quitter la salle au milieu, penser à autre chose, s'évader. Il y a une mise à distance confortable avec l'écran. Au théâtre, tout est humain : il y a des humains à l'entrée qui disent bonjour, on est enfermés dans une pièce à regarder des personnes, parfois même, on se sent regardé. Cela peut être effrayant. Pour autant, c'est possible de dépasser cela, et il faut le mettre en avant. »