Humour / « Pierre Thevenoux est marrant... normalement » assure l'humoriste dans le titre d'un spectacle qu'il joue depuis six ans. Alors que la fin de sa tournée l'amène dans l'immense Bourse du Travail, l'évidence est là : Pierre Thevenoux est vraiment marrant.
Que faire quand, dans un monde de l'humour de plus en plus inclusif, on est un HSBC, soit un « homme straight [hétéro] blanc cisgenre » pour reprendre un acronyme populaire dans les milieux militants intersectionnels ? Clamer « on ne peut plus rien dire » est une option, pas forcément la meilleure, mais c'est une option. Être un allié irréprochable en est une autre, même si, attention à ne pas trop en faire en prenant toute la lumière aux dépens de celles et ceux que l'on veut éclairer. Rire de son statut de HSBC avec autodérision en est une troisième, et c'est celle qu'a choisi Pierre Thevenoux dans son excellent spectacle Pierre Thevenoux est marrant... normalement.
Sur scène, l'humoriste à la diction « proche de l'AVC », la « calvitie naissante » et la tête « à bouffer du pâté au petit-déjeuner » ou « à taser des migrants pour le fun » ne s'épargne pas, quitte à forcer le trait. Vanne après vanne, il se dépeint en gentil beauf sur les bords, lui qui vient d'une famille de bouchers pas très portée sur l'écologie (« Noël chez nous, c'est l'arche de Noé, mais en mort ») et a longtemps utilisé la stratégie de drague « je me bourre la gueule et on verra ». Pas très homme déconstruit tout ça, certes, mais diablement efficace pour susciter les rires.
Écologie et alcool
Naviguant d'un « sujet chiant » comme l'écologie à un autre beaucoup plus « fun » comme l'alcool sans chercher à délivrer des transitions propres, il installe petit à petit un univers parfaitement charpenté duquel il peut alors facilement sortir pour jouer avec le public, façon bateleur. Le soir où nous avons vu le spectacle, quatre jeunes mecs du premier rang ont ainsi été source de blagues à la volée particulièrement bien senties sur leur métier – faut dire qu'ils l'ont bien aidé, l'un étant flic et l'autre étudiant en histoire médiévale. Là encore, Pierre Thevenoux danse sur un fil, flirte avec les limites, mais jamais ne tombe – du moins pas ce soir-là, même quand il essaie de plaisanter sur la nationalité d'une Vénézuélienne.
Car l'homme venu de Poitiers, qui a commencé l'humour à 25 ans – après avoir officié dans des petits boulots plus classiques – est passé par le Jamel Comedy Club et France Inter. Et a donc, derrière son apparence un brin je-m'en-foutiste, de la bouteille et une maîtrise évidente de l'art du stand-up. D'où les incartades qu'il se permet ici ou là, sur des thèmes d'actualité notamment, histoire d'augmenter un spectacle qu'il joue depuis six ans. Voire, sans doute, d'avoir de la matière pour un nouveau prévu pour l'année prochaine. Son titre ? Life coach ; parce qu'il l'annonce dans la note d'intention, il nous donnera « plein de conseils pour réussir [n]otre vie alors que la sienne est encore bien bancale ». Toujours à la ramener ces HSBC.
Pierre Thevenoux
Samedi 5 avril à la Bourse du Travail (Lyon 3e) ; de 36 à 39 €
