Folk contemplative / Se situant quelque part entre les râgas, Leo Kottke et David Tibet, le projet de Ben Chasny, Six organs of admittance, incarne l'aventure d'une pensée musicale empreinte d'ésotérisme et de contemplation. Elle sera de passage à Lyon pour un rare et précieux concert.
Guitariste raffiné et exigeant, Ben Chasny est à l'origine de nombreux projets, mais le plus fascinant et mystérieux demeure sans doute Six organs of admittance, nom qui évoque la vision bouddhiste de l'individu, constitué par cinq skandhas – les phénomènes physiques et mentaux de l'existence – auxquels le musicien a souhaité ajouter un sixième élément, l'âme.
Une transe surgissant de l'obscurité
Les prémices de cette œuvre musicale remontent à la fin des années 90 quand le Californien renonce aux atermoiements et sort de l'anonymat avec trois disques (l'album éponyme, Nightly trembling et Dust and chimes) structurés selon des patterns répétitifs et des boucles envoûtantes et vertigineuses tributaires tant de la musique hindoustanie que du rock psychédélique et de l'american primitivism.
L'aventure se poursuit ensuite avec des œuvres plus sombres telles que Dark nootide et The sun awakens, expérimentations free-jazz (School of the flower) et tentatives de dissolution sonore et abstraite (Luminous night et Asleep on the flooplain). Dans chacun de ces disques, Ben Chasny élabore des compositions complexes et recherchées, dépeignant un univers sonore fait d'élégance et de contemplation, bâtissant un édifice spirituel énigmatique en mesure de transporter dans un état second et provoquant une expérience cosmique et purificatrice.
Déconstruire la musique, toucher le spirituel
La trilogie Hexadic (2015-2017) marque un tournant capital dans son parcours grâce à un nouveau système de composition aléatoire et ludique, inspiré du tarot. Conçu sous le regard bienveillant des figures tutélaires de Raymond Lulle, Cornelius Agrippa et Gaston Bachelard, ce système croise jeu, graphisme et notation, visant un langage qui tend à l'universel.
Brisant toute convention établie, l'hexadic laisse émerger l'imprévisible et témoigne d'une volonté de convoquer le divin par l'entremise d'un jeu combinatoire. Un exercice qui peut assumer des formes abrasives et noise comme dans I, éthérées et méditatives comme dans le deuxième chapitre, ou bien plus éclectiques : c'est le cas de III où Ben Chasny se meut en deus absconditus, afin de permettre à d'autres musiciens (dont Stephen O'Malley et le Moon duo) de s'approprier son système.
Expériences extatiques
Si l'application du système semble disparaître avec le délicat Burning the Threshold (2017), l'hexadic se maintient par la suite dans la clandestinité manœuvrant sans jamais plus se révéler.
Toujours aussi prolifique, dans ses derniers albums Ben Chasny a fait preuve d'un captivant sens de la synthèse, convoquant l'ambient (Companion rises), l'indus de Coil (Jinxed by Being en compagnie de Sam Shackleton) ou le minimalisme atmosphérique (Time is glass).
La musique de Six organs of admittance conserve aujourd'hui toute son ambition cosmique, incarnant une démarche littéralement ésotérique. Ses arpèges à vocation métaphysique persévèrent dans le but d'offrir un voyage mystique pour une expérience de rare intensité.
Six organs of admittance + Regular girl
Jeudi 3 avril à 20h au Sonic (Lyon 5e) ; de 11 à 12 €