Le bail en l'état futur d'achèvement : louer avant même de construire

par Me Patricia Arbet
Lundi 16 juin 2025

Réserver aujourd'hui les locaux de demain, tel est le but du bail en l'état futur d'achèvement. En effet, dans un contexte économique où l'implantation immobilière est un enjeu stratégique pour les entreprises, le bail en l'état futur d'achèvement constitue un outil juridique incontournable.

À mi-chemin entre la location classique et la promotion immobilière, ce contrat permet à un bailleur de s'engager à livrer et louer un bien immobilier à un locataire, alors même que ce bien n'est pas encore construit ou achevé.

Le locataire, de son côté, réserve des locaux avant leur livraison, s'assurant ainsi de bénéficier d'un espace adapté à ses besoins
spécifiques.

Ce mécanisme repose sur une rigueur juridique et technique, qu'il convient de bien comprendre.

Comprendre le Befa

Le bail en l'état futur d'achèvement (Befa) est un contrat par lequel un bailleur s'engage à construire un immeuble (ou à le faire construire) pour le mettre à disposition d'un preneur à l'issue des travaux.

Ce contrat est souvent utilisé dans le cadre de projets immobiliers tertiaires ou commerciaux, notamment lorsqu'une entreprise souhaite s'implanter dans un immeuble neuf, construit sur mesure.

Le Befa se distingue du bail classique par le fait que le bien loué n'existe pas encore au moment de la signature. Le contrat porte donc sur un bien futur, ce qui entraîne des conséquences juridiques et financières spécifiques.

Il s'agit d'un contrat préparatoire, souvent conclu avant le début des travaux ou en phase de conception, et qui engage les deux parties à long terme.

Côté avantages, ils sont nombreux pour les parties.

En effet, le bailleur bénéficie d'une garantie d'occupation future, qui réduit le risque de vacance. En outre, l'accès au financement se trouve facilité, les banques considérant favorablement un projet déjà « pré-commercialisé ».

Quant au locataire, il pourra faire valoir ses besoins spécifiques en termes d'agencement, d'accessibilité ou de performance énergétique. Les loyers sont connus dès la signature, ce qui facilite la planification financière et enfin, le locataire accède à un immeuble neuf, souvent mieux isolé, plus écologique et conforme aux dernières exigences réglementaires (RT 2012, RE 2020...).

Sur le plan juridique, le Befa n'est pas défini par un texte spécifique, mais il est encadré par les principes généraux du droit des contrats (article 1101 et suivants du Code civil), ainsi que par les règles applicables aux baux commerciaux (articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce), dont certaines sont d'ordre public, c'est-à-dire impératives.

Le contrat comporte généralement :

- Une description précise du bien à construire (plans, surfaces, affectation) ;

- Les conditions de réalisation des travaux (délais, entreprises, normes techniques) ;

- L'engagement du preneur à prendre à bail le bien une fois achevé, à un loyer prédéterminé.

Le tout, afin de sécuriser au maximum la phase contractuelle avant livraison et l'exécution du contrat post-livraison.

Sécuriser la phase contractuelle avant livraison

La période précédant la livraison de l'immeuble est la plus critique dans le cadre d'un Befa. Elle engage le bailleur à construire un bien conforme aux attentes du preneur, tout en exposant les deux parties à des aléas importants (retards, surcoûts, contentieux).

Pour le bailleur, cette phase impose plusieurs obligations :

- L'obtention du permis de construire et des autorisations administratives nécessaires ;

- Le respect du cahier des charges fixé contractuellement (nécessité d'établir un cahier des charges exhaustif)

- La souscription des assurances obligatoires : assurance dommages-ouvrage, garantie de parfait achèvement, garantie décennale.

Le preneur, quant à lui, s'engage à occuper les lieux à la livraison, à condition que ceux-ci soient conformes au contrat. Il participe souvent activement à la définition du projet, notamment pour personnaliser les locaux (cloisons, aménagements spécifiques, installations techniques). Cette implication est généralement assortie d'un engagement ferme de location sur une période de six à neuf ans, ou plus.

Précisons que si le bail est conclu plus une durée supérieure à douze ans, il devra être établi par acte authentique (acte notarié) qui sera publié au service de la publicité foncière compétent.

Les risques encourus durant cette phase sont multiples : retards de chantier, refus d'autorisations, faillite d'un intervenant, évolution de la réglementation technique, etc.

Pour sécuriser la transaction, le contrat doit prévoir :

- Des clauses de pénalités de retard ;

- Des conditions suspensives précises (ex : obtention du permis) ;

- Des modalités de modification du projet en cas d'imprévus ;

- Un calendrier prévisionnel contraignant.

Sécuriser l'exécution post-livraison

Une fois le chantier achevé, le bail entre pleinement en vigueur. Le locataire prend possession des lieux, le loyer devient exigible, et la relation locative entre dans une phase d'exploitation plus classique.

Cependant, cette transition n'est pas sans enjeux. La livraison doit être matérialisée par un procès-verbal de réception, permettant de constater la conformité de l'immeuble aux spécifications du Befa. Le preneur est en droit d'émettre des réserves si des éléments ne sont pas terminés ou non conformes. Le cas échéant, une période de levée des réserves est mise en place.

Plusieurs garanties légales protègent les parties après la livraison :

- La garantie de parfait achèvement (un an) oblige le constructeur à réparer les désordres signalés ;

- La garantie biennale (deux ans) couvre les éléments dissociables (volets, radiateurs...) ;

- La garantie décennale (dix ans) couvre les dommages compromettant la solidité de l'ouvrage.

Le locataire devra également veiller à ce que les locaux soient bien adaptés à leur usage, notamment en matière d'accessibilité, de sécurité incendie et de conformité énergétique.

Enfin, une fois le bail pleinement exécuté, la gestion du contrat implique un suivi rigoureux : indexation du loyer, régularisation des charges, entretien courant, gestion des travaux, renouvellement ou sortie anticipée du bail, clause résolutoire pour non-paiement des loyers par le preneur, etc.

Les relations entre le bailleur et le preneur doivent rester fluides, dans un cadre contractuel clair.

Conclusion

Le bail en l'état futur d'achèvement constitue une réponse juridique et économique aux enjeux de planification immobilière des entreprises, tout en assurant aux promoteurs une sécurisation relative de leur investissement.

Mais il ne s'improvise pas : sa mise en œuvre doit être rigoureuse, tant sur le plan contractuel que technique.

La bonne réussite d'un Befa repose sur une anticipation précise des obligations de chacun et des risques. Sa popularité témoigne de son intérêt croissant dans le paysage immobilier contemporain.