Alpes chinoises

En exposant les aquarelles du peintre chinois He Yifu, le musée de l'Ancien Evêché ouvre ses portes à une représentation du patrimoine toute novatrice et riche d'une finesse orientale partagée avec bonheur : c'est tout à son honneur. Laetitia Giry


Le ton est donné dès l'entrée dans la première salle dédiée à l'exposition : les murs gris anthracite – autant dire d'un noir minéral – accueillent de grandes toiles colorées de He Yifu. Le contraste est ainsi parfait pour la mise en valeur de la flamboyance des œuvres en présence. Voyageur qu'il est, He Yifu quitte sa Chine natale pour rejoindre la France en 1992. Après un premier travail effectué sur les paysages bretons, c'est sur les Alpes et les différentes régions qu'elles traversent que l'artiste va porter son regard d'esthète et son oriental pinceau (jusqu'à sa mort, en 2008). Il est revigorant de redécouvrir des paysages nous étant familiers – tant par leur présence réelle que par leur représentation dans la peinture occidentale classique – par l'intermédiaire d'une perception modulée par des codes et techniques qui permettent la mutation de ce qui est vu, le glissement de ce qui est peint.Transfiguration du réel
Peindre les Alpes à la mode du « shanshui » (terme qui signifie « montagne et eau » : éléments principaux et essentiels de la peinture chinoise), induit un décalage dans la reproduction de l'objet représenté. Si l'artiste travaille après observation minutieuse, prise de photographies servant de mémo, il insuffle ensuite au paysage un onirisme brumeux, héritier direct de son ressenti. Nuages et fumées, aplats de couleurs vives – essentiellement dans les gammes des bleus et verts – assument le rôle de transmetteur d'émotions, les détails peu esthétiques propres aux roches sont gommés à la faveur d'une légèreté plus douce et apaisée. Les paysages se succèdent, oubliant le réalisme et préférant la délicatesse d'un détail stylisé à l'encre de Chine : à l'image de celui des oiseaux au-dessus du lac d'Annecy. Sur chaque toile, et comme le veut la coutume, une calligraphie précise en mots le ressenti de son auteur. Celle du visuel ci-contre indique : « Insolite, beau et hallucinant, Moustiers-Sainte-Marie est aussi un lieu angoissant, plongé dans un mystère insondable ». On ne peut donc que vous conseiller d'aller vous immerger dans cette œuvre qui – n'ayons pas peur des mots – n'est autre que sublime.He Yifu, le voyage d'un peintre chinois dans les Alpes
Jusqu'au 28 février 2011 au Musée de l'Ancien Evêché.


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