Do not disturb

Yvan Attal s'empare d'une commande — faire le remake de «Humpday» — et la transforme en exercice de style fondé sur le plaisir du jeu et la sophistication de la mise en scène, prenant le risque d'intensifier la vacuité de son matériau. Christophe Chabert


Yvan Attal ne s'en est jamais caché : Do not disturb est avant tout une commande venue de son producteur, qui avait acheté les droits d'une comédie indé américaine de Lynn Sheldon, Humpday. Où il était question de deux vieux potes qui, par défi, décident de participer à un festival de porno amateur en tournant un film où ces deux hétéros convaincus se mettraient en scène en plein ébat homosexuel.

Après Ma femme est une actrice et Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants, tous deux marqués par les questions existentielles, sentimentales et professionnelles de leur auteur, voilà donc Attal face à un matériau impersonnel au sens strict. Sa stratégie, évidente, consiste alors à y instiller du plaisir pur. D'abord celui du jeu : son tandem avec François Cluzet est le vrai moteur de la comédie, lui en bourgeois bohème dont la vie affective est sur des rails trop huilés, Cluzet en aventurier de pacotille dissimulant derrière son chapeau de paille et sa barbe mal taillée sa nature profonde de glandeur velléitaire.

Do not disturb aurait pu se contenter de mettre en scène de manière théâtrale cette joyeuse rencontre ; mais là encore, Attal surprend en assumant beaucoup plus que dans ses films précédents sa casquette de cinéaste. Très stylisé, parfois audacieux — avec d'étonnants décalages entre le son et l'image, ou encore un jeu sur les longues focales pas si éloigné d'un Tony Scott —, le film fait preuve d'une sophistication inattendue.

Cap', pas cap'

Mais ce plaisir-là finit par se retourner contre le projet, plaisant à suivre mais fondamentalement vain. Tout semble ici délayé, les micro-événements du scénario, bons ou mauvais, n'étant là que pour repousser jusqu'au dernier tiers LE moment du passage (ou non) à l'acte. On pense qu'Attal va trouver un bout de sujet auquel se raccrocher : par exemple, le côté "la vie sexuelle des hipsters" tourne assez vite court, passée la blague plutôt bien vue d'une Charlotte Gainsbourg piercée et en couple avec Asia Argento, ou la prestation, d'une joyeuse impudeur, de Lætitia Casta.

Le film sent même parfois le remplissage (la scène avec JoeyStarr, vraiment ratée), et le défi que se lancent ses deux personnages finit par faire écho avec celui d'Attal lui-même : oui, il était cap' de faire un remake français d'un film américain. Dire que celui-ci soit d'une grande utilité au final, par contre… 

Christophe Chabert


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