Quand le ballet de l'Opéra se décline en slam... Par Camille Clément
Le début d’une répétition c’est comme un matin transi
Les danseurs réveillent leurs corps ankylosés
On frotte ses membres comme des paupières engourdiesµ
On s’étire et on s’ébroue, on entame sa journée
Une quinzaine d’hommes évolue sur la piste en toile tendue
Dans les rires complices et les froissements du tissu
Des polaires bariolées et des survêts à bandes blanches
Des débardeurs gris chinés qui retombent sur les hanches
Les muscles saillent et se relâchent soudainement
Comme s’ils respiraient par leurs contractions
Sous une peau tendue comme celle d’un tambour furibond
Qui bat sous les ventres durs et les bras puissants
Des corps fins brutaux cuirassés et courageux
Des corps qui s’élèvent du sol comme s’ils pesaient la moitié d’eux
Des corps aux extrémités nettes, aux membres frémissants
Des corps comme des algues ballotées par le courant
Le soliste se louvoie au centre de la verrière
Sous les regards de ses camarades postés en périphérie
Accoudés à la barre la respiration s’accélère
Des chevaux nerveux qui piaffent avant leur circuit
On accueille le danseur qui revient de sa traversée
D’un hochement de tête, d’une accolade, d’un mot d’encouragement,
Lui s’effondre le souffle rauque entrecoupé de gémissements
Le dos trempé, la nuque tremblante, les yeux clos et les mains serrées.
En contrebas la ville agit, et la ville ignore ses chevaux
La ville ne se doute pas du corps meurtri de Marco,
De la chute de Ludovic, de l’entêtement d’Eddy
Des mâchoires serrées d’Adrien alors que sa jambe faiblit
De leurs vertiges, leurs éclats, leur folie, leur intransigeance
Pourtant la ville, c’est toi, la ville, c’est toi qu’ils dansent.
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