Au cœur du festival

Me voilà embarquée dans une drôle d’aventure : Reporter d’un jour pour le « Petit Bulletin » !!! Je suis ravie. Ma mission, si je l’accepte : Découverte de JAZZ à Vienne et concert du soir au théâtre antique. Je suis viennoise de naissance et le festival a rythmé mes étés depuis mon enfance. Ce n’est donc pas pour moi une découverte, mais plutôt une belle opportunité de vous inviter, vous lecteurs du « Petit bulletin » à partager quelques heures au cœur de « Jazz à Vienne ». Et qui sait, peut-être que ces quelques lignes vous donneront envie de tenter l’expérience. C’est parti !!! L’aventure démarre, tout le monde s’installe !!! Attachez vos ceintures : Risque de turbulence. Par Corinne Baule

L’équipe du festival nous accueille à deux pas du théâtre antique, dans le jardin de l’espace presse. Claire Gaillard, chargée de la communication, retrace pour nous l’histoire du festival qui fêtera ses 40 ans l’année prochaine. Jean-Paul Boutellier, est à l’origine de l’évènement, avec ses deux compagnons dans l’aventure, Jean Gueffier et Pierre Domeyne. Après une « Nuit du blues » qui fut un galop d’essai en 1980 ils ont lancé la première édition en 1981. Le théâtre où ont résonné les premières notes de l’évènement, peut aujourd’hui accueillir jusqu’à 7500 personnes par soirée.

Nous partons visiter ce lieu magique avec Benjamin Tanguy, Directeur Artistique du festival depuis 2016. Visiteurs privilégiés, nous avons pu accéder au back-stage, où seuls les artistes et techniciens sont autorisés à pénétrer. Ils se partagent cet espace, de part et d’autre, à l’arrière de la scène. Même si le festival a désormais une renommée internationale, l’ambiance reste bon enfant. Les artistes peuvent compter sur la bienveillance d’une équipe de bénévoles, qui met tout en œuvre pour leur offrir les meilleures conditions possibles avant de monter sur scène.

Nous sommes descendus dans le couloir des loges, sous la scène, où chacune d’elle fait référence à un des artistes mythiques qui ont foulé la scène, comme par exemple Ella Fitzgerald ou Miles Davis.Nous restons songeurs…si les murs pouvaient parler. J’ai toujours été émue par ce lieu qui est imprégné de l’esprit du jazz, refuge de ceux qui nous font rêver sous les feux de la rampe ….

Puis montant sur scène, nous restons impressionnés devant les gradins. Claude Nougaro parlait, en faisant référence au public du théâtre antique, d’un « Mur d’humanité » : on imagine donc, quel sentiment peut ressentir un artiste qui entre sur cette scène ……..Nous voyons de nombreux bénévoles s’affairer pour que tout soit prêt avant l’ouverture des portes. Le festival doit énormément à cette armée de bénévoles sans qui rien ne serait possible.

L’organisation du jour ne nous a malheureusement pas permis d’assister aux balances des artistes. Nous poursuivons donc notre périple jusqu’au jardin de Cybèle, à peine à cinq minutes à pied du théâtre antique. C’est là que de nombreux concerts et animations gratuits rythment les journées : de midi jusqu’à tard dans la nuit. L’ensemble du centre-ville s’anime et vit au rythme du jazz durant la quinzaine du festival.

Nous nous retrouvons au théâtre municipal, situé au centre de l’espace Cybèle, pour la conférence de presse avec la présence de Chassol. Théâtre à l’italienne, transformé en club de jazz pour l’occasion, il accueille également les concerts du soir : « Club de minuit » ou « Jazz Mix ». Ces deux « scènes du festival », se partagent le lieu en fin de soirée, après les concerts du Kiosque. Les différentes scènes de Cybèle sont ouvertes aux différents univers du jazz, des plus traditionnels aux plus avant-gardistes.

Jazz à Vienne est le festival de tous les jazz : Jean-Paul Boutellier a toujours mis un point d’honneur à ce que le jazz soit accessible à tous, et non pas réservé à une élite. Il a su laisser une place à toutes les formes de jazz, mais également à tous les styles musicaux qui en sont issus, comme par exemple la soul, le funk ou le blues. Chacun peut trouver musique à son oreille et à son cœur… La jeune génération et les grands noms se côtoient pour le plus grand plaisir des spectateurs. Il n’est pas rare d’assister à des moments magiques où les artistes improvisent un concert au détour d’une scène du festival : Keziah Jones au jardin de Cybèle l’année dernière, Marcus Miller au Jazz Mix en 2015, et avant eux Claude Nougaro au club de Minuit.

De la musique bien sûr, celle que j’aime, que je connais mais aussi des découvertes ……, et puis la convivialité, les échanges, les belles rencontres ….c’est comme ça que j’aime à définir ce festival qui m’est cher …..

J’abandonne mes acolytes d’un soir, pour rejoindre les gradins du théâtre et m’imprégner de l’ambiance avant le début du concert. Malgré les années qui passent, je reste émerveillée devant ce mur multicolore. Les gens s’installent, discutent, échangent sur le concert de la veille ou sur les prochaines soirées. Certains se sont croisés ici-même, il y plusieurs années et sont aujourd’hui devenus amis. Lorsque l’on observe le ballet des habitués, on remarque les habitudes pour se placer, les rituels …. C’est, je pense, ce qui rapproche les gens dans cette enceinte. On se croise, on se côtoie, un soir, puis deux, puis trois …. On se salue, on discute et au fil des soirées et des festivals on garde le contact.

La soirée est placée sous le signe du piano avec trois univers différents : Chilly Gonzales, Chassol et GoGo Penguin.

Canadien avec une réputation de Show Man, Chilly Gonzales ouvre le bal. Un piano, une batterie : j’ai du mal à imaginer le show annoncé. Il entre en scène : peignoir et pantoufles ….. Nul doute qu’il se sent chez lui …. En fond scène un clavier géant est projeté : premiers morceaux sobres, on voit les mains de l’artiste sur ce clavier : j’avoue que le concept du Piano vision est intéressant, mais j’attends le show ….. Le violoncelle entre en scène et le spectacle commence à prendre vie. La mèche dans le vent, l’artiste empoigne le micro et s’adresse au public : le show commence pour le plus grand plaisir de tous. Il argumente sur les techniques de compositions musicales en faisant référence à Bach, connu pour être à l’origine des musiques modernes. Une explication technique qui se transforme en échanges avec l’auditoire : le théâtre s’anime de rires et d’applaudissements. Lorsque Bach nous amène à Nirvana et Britney Spears. Jouant sur la traduction de leurs titres « Smell like a teen spirit » et « Baby one more time », il embarque les spectateurs dans un éclat de rires. Certes l’humour est là et l’homme fait le show comme annoncé, mais cela n’enlève rien à la qualité du jeu : les touches du Steinway prennent vie sous les doigts de l’artiste. Le violoncelle et la batterie ne sont pas en reste, et rajoutent à notre plaisir.

Le rythme est là, et le public se laisse emporter. Pris au jeu, nous tapons dans nos mains, en rythme…. Enfin, le croyons-nous !!! Nous voilà donc tous, c’est-à-dire environ 5000 personnes, invités à regarder une pantoufle au pied du maestro, pour essayer de suivre le rythme. Je vois rire en lisant ces lignes, mais je vous rassure, nous avons, nous aussi, beaucoup ri.

La morale de l’histoire est qu’il ne faut pas se fier aux apparences, et que se laisser surprendre peut réserver de bonnes surprises et nous offrir de beaux moments, comme ceux partagés avec Chilly Gonzales

Nous changeons totalement d’univers avec les Ultrascore de Chassol : une musique inspirée par l’image et par les sons. Chassol met en scène des boucles de répétions sonores, sur des images qu’il va parfois chercher à l’autre bout de la planète. C’est à travers ce montage image-son, qu’il trouve l’inspiration pour composer la partie musicale. LUDI, ce nouveau projet d’Ultrascore, s’inspire du roman d’Hermann HESSE « Le jeu des perles de verre » Pour ma part, c’est une découverte totale.

Claviers et batterie face à face, nous observons leurs échanges de profil avec les images en toile de fond. Il y a une réelle complicité entre ces deux-là. Le concept s’apparente plus à une « performance » qu’à un concert. L’exercice est intéressant, mais la musique étant calée sur la projection du film, aucune place n’est laissée à l’échange avec le public. Les musiciens n’étant pas face au public, cela accentue ce sentiment. J’ai voulu me concentrer sur la musique, et j’ai fermé les yeux : pas mal du tout. J’ai apprécié l’artiste même si le concept ne me correspond pas : il est sincère et investi dans sa démarche. Il va à la rencontre des gens, ici ou ailleurs, à la rencontre des gens ordinaires. Il a l’œil pétillant d’un enfant qui s’émerveille : c’est ça aussi un artiste.

J’entends trop souvent des jugements à l’emporte pièce sur telle ou telle prestation. A nous, spectateurs, auditeurs, de savoir nuancer nos propos : ce n’est pas parce que nous n’apprécions pas tel ou tel œuvre artistique, fut-elle musicale ou non, que cela remet forcément en question la qualité du travail de l’artiste. Je vous invite donc à juger par vous-même et à découvrir Chassol : je pense que nombre d’entre vous saurons apprécier.

La soirée se termine avec GoGo Penguin. Le trio de Manchester nous présente ce soir les morceaux de son dernier album « A Humdrum Star ». Largement inspirés par la musique électronique, les trois musiciens restent dans une configuration jazz classique : piano, contrebasse et batterie.

On ressent cette influence électro mais nous assistons bien à un concert de jazz. Ce mix, que certains trouveront improbable, entre électro et jazz nous embarque dès le premier morceau. Il y a une puissance qui se dégage : comme on pourrait le dire dans un concert rock, ça envoie. Les jeux de lumières viennent servir la musique créant des atmosphères, pour finir de convaincre, s’il en est besoin, les plus sceptiques. Personnellement, je suis conquise : les trois sont loin d’être manchots. Chris Illingworth se fait discret, mais on ne peut pas passer à côté lorsqu’il donne de la voix au piano. Rob Turner à la batterie et Nick Blacka à la contrebasse, l’alliance qui donne le rythme. Il y a une cohésion entre ces trois gaillards qui donne de la force à leur formation. Vous ne connaissez pas ? Et bien n’attendez pas, essayez …. C’est du genre qui vous envoie de l’énergie à l’état brut !!!

Ils représentent la nouvelle génération du jazz, qui n’hésite pas à métisser les genres. C’est la magie du jazz qui se réinvente au fil des générations sans jamais se renier. C’est, je pense, ce qui lui permet d’exister aujourd’hui encore et de séduire les jeunes générations. Pour preuve, le public des GoGo Penguin qui s’est enthousiasmé ce soir : jeune, très jeune. Ce n’est pas si souvent qu’un concert fasse se côtoyer autant de générations, c’est une des choses qui fait du jazz une musique si spéciale. Les notes bleues, une couleur musicale qui convient à tous de 7 à 77 ans et bien au-delà ……

Et bien voilà, la soirée s’achève. Je vous aurais bien emmenés à Cybèle, mais la canicule a eu raison de ma motivation pour aujourd’hui …. Il fait vraiment trop chaud …..Qui sait, nous nous croiserons peut-être au détour d’une des scènes du festival.

Le mot de la fin pour remercier le « Petit Bulletin » de m’avoir permis de vivre cette expérience, et bien sûr à l’équipe de Jazz à Vienne pour son accueil.

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